Vendredi dernier, je me suis rendu à la onzième manifestion d'IGNITE Paris. Me conformant aux règles du jeu, j'y ai donné une présentation composée de 20 diapositives, à raison de 15 secondes chacune, soit un total de 5 minutes.
Cette présentation était une invitation au voyage, un voyage bien particulier intitulé "Escapade au coeur du Livre".
En voici la trame...
Durant ce voyage autour du Livre, c'est-à-dire du Pentateuque, nous nous baladerons de ‘A’ à ‘Z’, de la première à la dernière lettre, pour y découvrir des trajectoires inattendues. Et pour ce voyage, le héros, le voyageur, le nomade, c’est vous.
Au commencement (bereshit), une lettre « beit » qui dit la maison et a une valeur de 2. Mais plus que tout, la forme du beit – qui se lit de droite à gauche – est une invitation à aller de l’avant.
Après avoir parcouru la totalité du livre, vous tomberez sur la dernière lettre, un lamed, de valeur 30. Pris individuellement, le lamed renvoie à tout ce qui a trait à l’étude, à l’apprentissage. Alors étudions encore, si vous le voulez bien.
Intéressons-nous maintenant au chemin parcouru.
De la maison du départ, le « beit » initial, jusqu’à l’injonction d’étudier suggérée par le « lamed » final, vous avez parcouru très exactement 669 paragraphes, 5 845 versets, 79 976 mots et 304 805 lettres consonnes. Car n’oublions pas que l’hébreu – contrairement au français – ne s’écrit qu’à travers un jeu de consonnes, ce qui laisse une singulière liberté au lecteur de vocaliser les mots comme il lui sied, lui permettant pas là même de donner naissance à des significations inattendues…
Par une folle audace, accolons le lamed final et le beit initial. Nous obtenons lamed-beit, qui, vocalisé en « lèv » signifie le cœur…
Alors, je vous propose de vous rendre au cœur du Livre. Quel est cet endroit singulier ? Le vide…
Oui, le cœur du Livre n’est ni plus ni moins que l’espace vierge entre le 39988ème et le 39989ème mot.
Comme vous ne trouvez rien au cœur du Livre, vous vous retournez sur la droite. Vous y découvrez le triptyque « dalet-rech-shin », qui signifie « cherche ! ». Vous vous tournez à droite maintenant. Et là vous lisez encore une fois « dalet-rech-shin ». Cherche encore !
Vous voici désromais à l’image du prophète Elie sur le mont Horeb qui cherche à communiquer avec l’Eternel (1R 19:11-12). Alors que vous vous attendez à des manifestations grandioses du Tout-Puissant – un tremblement de terre, une terrible tempête ou un incendie ravageur, vous allez de déception en déception. Pour finir, vous ne décelez la présence du Très-Haut que dans le murmure subtil de la brise… Un souffle, donc… Presque rien…
Au cœur du Livre, donc, le voyageur que vous êtes trouve enfin dans le vide d’un espace Celui qu’il ne s’attendait pas à y rencontrer : le Très Haut. Le nomade rencontre le Nom (Chem, d’une valeur de 340) ; il fait face à la monade.
Pour inattendue qu’elle soit, cette rencontre est confirmée par la science. Quand le zéro est inventé par les mathématiciens indiens, ils l’appellent le « vide ». Le terme indien est traduit par « sifr » en arabe, qui donnera notre « chiffre ». Puis, au gré de déformations multiples, le terme donnera naissance à notre « zéro » moderne mais aussi au « zefiro » en italien, ce vent léger, dont nous avons tiré le « zéphyr ». Comme quoi le Tout-Puissant semble entretenir des rapports très intimes avec le vide et la brise…
Autre confirmation si besoin était… Vous l’avez vu : la valeur numérique du Nom est de 340. Or le Livre en hébreu se dit sefer (samekh-pè-resh), dont la valeur se trouve être… 340 !
Sefer, justement. Samekh-pè-rech. Une autre façon pour vous d’accéder au cœur du livre consiste à vous rendre au cœur du mot qui désigne le livre. Vous trouvez alors la lettre « pè », dont la signification littérale est « bouche ».
Reprenons donc... Au cœur du livre, il y a la bouche… La bouche en cœur… Et que voyez-vous alors ? Les lèvres – ou plutôt les lev-res devrais-je écrire pour souligner l’intimité toujours forte avec le cœur, le lev, qui enserre le texte du Livre.
Retournez au cœur du Livre. Vous y retrouvez le vide. Intéressez-vous cette fois aux lèvres qui entourent cet espace. Une lèvre de chaque côté ; une lettre de chaque côté. Un « shin » et un « dalet ». Accolez-les…
Exercice de vocalise : entre le « shin » et la « dalet », placez un « a ». Vous obtenez « chad », soit le sein nourricier sur lequel l’enfant colle sa bouche – tiens, encore une fois la bouche – pour se sustenter.
Et la surprise. Dans ce voyage au cœur du Livre où vous, le nomade, avez découvert la présence du Très-Haut, de la monade, dans le vide, vous vous rendez compte qu’en son voisinage siège la figure altière de la madone…
Oui, mais voilà, la beauté de l’hébreu, c’est de vous permettre de vocaliser les mots à votre guise pour découvrir des significations toujours nouvelles, ce que Marc-Alain Ouaknin appelle si joliment ‘‘lire aux éclats’’.
En plaçant un « è » maintenant entre les lettre « shin » et « dalet », vous obtenez le mot « chèd ».
« Chèd », c’est le démon… Et comme nous sommes dans l’univers du féminin, il y a fort à parier qu’il s’agisse de Lilith, la 1ère femme de la 1ère création. Celle qui s’est révoltée pour être l’égale de l’adam originel. Celle qui, outrée de s’être vu refusé ce statut, se nourrit désormais de ce qui sort de nos bouches en dehors de tout contrôle de notre part. N’est-elle pas celle qui se repaît du sperme de nos pollutions nocturnes pour engendrer un peuple de diables ?
Nous voici rendus au terme de notre voyage au cœur du Livre. Et qu’y avez-vous appris en votre qualité de voyageur, de nomade ?
- Que l’Eternel – la monade – a élu domicile au cœur du Livre, dans un espace vide
- Qu’à Ses côtés trône la figure de la madone
- Mais que cette dernière peut parfois se muer en diablesse, en daemon…
Que de variations possibles sur ce thème...
Et comme chantait Barbara dans Chapeau bas :
« Est-ce Dieu, Est-ce Diable,
Ou les deux à la fois,
Qui, un jour, s'unissant,
Ont fait ce matin-là?
Est-ce l'un, est-ce l'autre?
Vraiment, je ne sais pas,
Mais, pour tant de beauté,
Merci, et chapeau bas. »
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PS - Si cette histoire vous a plu et que vous souhaitez en voir une version animée, je vous invite à cliquer ici.
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