Quand, durant une formation commerciale, je demande aux participants quelle est la vertu cardinale de la vente, ils répondent comme un seul homme : QUALIFIER. Et à la question "Qu'est-ce que qualifier ?", ils sont unanimes à me répondre : "C'est savoir poser des questions".
Devant pareil consensus, je me dis que la compétence de qualification ou de développement de solution est largement répandue et développée. C'est la raison pour laquelle, à cet instant, je suggère régulièrement que nous nous adonnions à un petit jeu de rôle improvisé. Je me propose de revêtir les habits d'un interlocuteur appartenant à la cible de mon client. J'annonce la couleur : "je serai ouvert, je répondrai du mieux que je peux à toutes les questions que vous me poserez. Allez-y... Qualifiez-moi !" Au début, les questions fusent : "Comment faites-vous ceci ?", "Comment vous y prenez-vous pour faire cela ?", etc. Pourtant, très vite, le flux diminue en même temps que les questions deviennent plus confuses, avec un rapport de plus en plus ténu au thème suggéré. Au bout de 3 à 4 minutes, le flux tarit définitivement. Je demande alors aux participants s'ils sont satisfaits de leur "qualification", c'est-à-dire s'ils estiment avoir fait du bon boulot préparatoire pour engager le client à considérer favorablement ce qu'ils sont en capacité d'offrir. En général, la réponse est "non". "Pourquoi ?", leur demandé-je alors. "Parce que nos questions partent dans tous les sens"...
Or, il y a une façon bien précise de poser les questions. Comme pour le jeu de la la Tour de Hanoï, on doit poser les disques selon une séquence bien établie, de la rondelle la plus large à la plus petite en partant du bas. Le premier disque à poser est bien connu. C'est celui qui regroupe les questions dites de "cadrage" visant à comprendre le mode opératoire de l'interlocuteur. C'est dans cette catégorie que figurent les fameux "Comment faites-vous ceci ?", "Comment vous y prenez-vous pour faire cela ?" ou encore "Expliquez-moi la façon dont vous faites ça". Mais attention ! Point trop n'en faut. Car bombardé de questions de cadrage, votre interlocuteur aura le sentiment d'être soumis à un interrogatoire et sera tenté de croire qu'il fait votre éducation sur le sujet. A la lassitude risque de s'ajouter une pointe d'agacement.
La dernière rondelle aussi est bien référencée dans les l'esprit des vendeurs. C'est celle qui consiste à solliciter votre interlocuteur autour de la quantification des éléments de coût associés au mode opératoire actuel.
A l'image de ce qui se passe dans le jeu de la Tour de Hanoï, on ne peut légitimement passer directement de la plus grosse rondelle à la plus petite. Ce serait heurter la psychologie de votre interlocuteur, presque faire preuve de goujaterie.
D'où l'importance des deux disques intermédiaires. Les questions de cadrage ont un grand intérêt en ce qu'elles permettent de délimiter l'espace de conversation. Mais elles portent aussi en elles une grave lacune : elles n'engagent par l'interlocuteur, elles ne l'amènent pas à vos côtés dans une démarche de résolution de problème. Car pour en arriver là, encore faut-il que votre interlocuteur voie le problème. Et pour ce faire, il convient de changer de plan, de basculer de la conversation de salon à la prise de position. C'est donc le moment de poser des questions "responsabilisantes", qui vont provoquer chez votre interlocuteur une décharge émotionnelle forte, plus ou moins anxiogène. Ces questions sont faciles à reconnaître quand on les entend. Elles commencent souvent par la locution "peut-il se produire que ____" ; elles charrient avec elles l'évocation d'un événement douloureux ou d'une conséquence indésirable. La réponse attendue est "oui, hélas". Ce "oui, hélas" est le signe que trois choses fondamentales viennent de se produire. D'abord, vous venez de découvrir une information clef par rapport à votre démarche de vente. Autrement exprimé, vous venez de lever un lièvre. Ensuite, vous avez amené votre interlocuteur sur un plan hautement émotionnel. Il vous apprartiendra d'exploiter avec délicatesse ce changement d'état. Et si votre interlocuteur manifeste une trop grande fébrilité, vous pourrez toujours tempérer son émotion en lui racontant une histoire. "La raison pour laquelle je vous ai posé cette question, c'est parce que je suis en rapport avec un autre (même fonction que votre interlocuteur). Et voilà ce qu'il a vécu..."
Mais le point le plus important, sans l'ombre d'un doute, c'est qu'en amenant votre interlocuteur à révéler une situation anxiogène propre à provoquer des effets collatéraux particulièrement indésirables ou fâcheux, vous avez exposé votre compétence au grand jour. Ce faisant, vous avez ouvert une porte : celle de la confiance. Désormais, votre interlocuteur est en mesure de partager avec vous quelles entités de son organisation sont impactées par le problème que vous avez aidé à mettre en évidence et comment se matérialise cet impact. C'est la troisième rondelle de la tour en partant du bas, celle des questions d'impact. De là, il vous sera aisé d'en venir au quatrième et dernier étage de la tour, celui où vous aborderez dans un climat de confiance partagée le volet quantification, voire valorisation financière de l'impact.
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