Dans le domaine marketing et surtout en matière de positionnement d'offre, il y a deux personnes qui m'ont particulièrement impressionné durant ma vie professionnelle : Charles Nicholls et Dave Kellogg. Le premier, citoyen de sa gracieuse majesté, est à mon sens imprenable dans l'art et la manière de créer un territoire de légitimité autour de la marque. Le deuxième, dont la façon de parler renvoie au "broken English" des faubourgs newyorkais, est lui un expert dans l'application des 22 lois fondamentales d'Al Ries et Jack Trout au monde de la technologie en général et du logiciel en particulier.
Or récemment, en parcourant le blog de Dave Kellogg, je suis tombé sur un billet fort intéressant intitulé "Comment développer un message marketing". Tout est bon et comme dit la chanson, il n'y a rien à jeter. Pourtant, il y a un passage en particulier que j'adore et que je souhaite partager et développer avec vous. C'est lorsque Dave illustre l'art du positionnement marketing à travers l'exemple des enzymes gloutons. Vous savez, ces espèces de particules voraces qui ont rendu un fier service à la mère Denis et aux femmes de Saint-Jeannet en dévorant tout ce qui pourrait nuire à l'éclat des chemises de Monsieur ou à l'apprêt des robes de Madame.
Dave part des 5 composants clés constitutifs d'un positionnement produit en insistant sur le fait que ces composants sont rangés par ordre croissant d'impact sur le client :
- la caractéristique (feature en anglais)
- la fonction
- l'avantage
- le bénéfice
- la conséquence (du fait de ne pas utiliser les enzymes gloutons)
Appliqué au monde des lessiviers et en traduisant scrupuleusement le texte du billet originel, nous avons :
- Caractéristique : les enzymes gloutons
- Fonction : le procédé chimique à travers lequel ces derniers dégagent leur principe actif
- Avantage : le linge est plus blanc
- Bénéfice : votre conjoint vous embrasse lorsque vous rentrez chez vous le soir
- Conséquence : vos enfants sont moqués lorsqu'ils se rendent à la piscine municipale car leurs serviettes sont moins éclatantes que celles de leurs petits camarades de jeux
En lisant le billet de Dave, j'ai eu une quadruple révélation :
- tout ce qui relève de la partie haute du message à savoir l'évocation de la caractéristique, de la fonction remplie et de l'avantage induit est centré sur des choses. Nous sommes dans le quoi et le comment, mais certainement pas dans le pourquoi cher à Simon Sinek.
- le pourquoi est traité dans les volets bénéfice et conséquence.
- contrairement aux autres points, les volets bénéfice et conséquence sont centrés sur des personnes et non sur des objets. Le bénéfice concerne Monsieur, embrassé par son épouse le soir à son retour du boulot. La conséquence néfaste met en scène les enfants du couple, victimes d'ostracisme de la part de leurs copains et copines à la piscine
- contrairement aux autres points, les volets bénéfice et conséquence sont contextualisés, c'est-à-dire qu'ils satisfont aux exigences minimales de la mise en scène avec (i) un protagoniste confronté à (ii) une situation repérable dans le temps et dans l'espace.
Un protagoniste... une situation précise... nous voilà plongés dans le narratif, l'univers du récit.
En conclusion, c'est lorsque le positionnement produit intègre une expression claire des bénéfices et des conséquences que le message est le plus percutant. Et c'est lorsque les bénéfices et les conséquences sont présentés sous la forme d'histoires qu'ils ont le plus d'impact sur les consommateurs et que ces derniers sont le plus enclins à changer leur comportement pour acheter le produit.
Conclusion : ce sont les histoires qui font vendre, dans tout ce qu'elles apportent de subjectivité assumée et non l'évocation des mérites objectifs du produit.
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PS - Point qui avait déjà été évoqué il y a quelqes mois sur cette même tribune, mais sous un angle plus littéraire dans un commentaire sur une magnifique nouvelle d'Etgar Keret, ici.
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