Depuis ma plus tendre enfance, je bute sur le genre du mot anagramme. Masculin comme le gramme, l’unité de poids, ou féminine comme l’épigramme, cette variation très grecque de l’haïku ?
En pareilles circonstances, Google est ton ami. Me voilà donc tapant « anagramme » dans la barre de recherche. Sur les quelque 933.000 résultats disponibles en moins de temps qu’il ne faut pour le dire (0,26 seconde exactement toujours selon Google), la page wikipédia consacrée à l’anagramme me permet de vérifier que le substantif est de genre féminin et que son étymologie (ανά, ana, « en arrière », et γράμμα, gramma, « lettre ») correspond à la notion de renversement de lettres.
Ce n’est qu’à ce moment que je me rends compte que Google me renvoie une suggestion pour le moins saugrenue : « Essayez avec cette orthographe : gare maman »
Facétieux mon ami Google ! Je lui propose « anagramme » ; il me renvoie « gare maman », c’est-à-dire une anagramme d’anagramme. Renversant, non ?
Et quelle anagramme mes aïeux ! « Gare maman ». Ca sonne comme une mise en garde. Sans compter que, pour moi, dès qu’il est question de gare, je pense à Jacques Prévert et son fameux :
Le temps nous égare
Le temps nous étreint
Le temps nous est gare
Le temps nous est train.
Alors de gare en gare, d’égarements en étreintes, voici une petite histoire que je m’en vais vous compter sur un air d’anagrammes un rien délurées.
Le périple commence à la gare du Nord. Ô dur danger[1] ! Elle s’enfuit donc. La voilà maintenant qui traîne sa mélancolie sur les quais de la gare de l’est : égal désert[2]. Rien à faire ici. Elle pique au sud : direction Gare d’Austerlitz ; les gaz du traître[3] y planent. Fuir encore sans demander son reste. Nous retrouvons notre belle sur le parvis de la gare Montparnasse. Là, elle le vit ; son palpitant ne fit ni une ni deux. « Mon étranger passa[4] », se dit-elle. Le poème éponyme de Baudelaire lui revint en mémoire comme une gifle et une promesse de jouissance réunies. « Toi mon coco, ne crois-pas que je vais te laisse filer comme ça ». Elle suit son bel inconnu.
Comme elle le voit s’engouffrer dans le métro, ligne 12, direction Front Populaire, elle se dit : « Hors de question que je me glisse dans un lit pour profane[5]. Je vais me le pécho le pédé phallocrate… Et bien avant qu’il n’arrive à la Porte de la Chapelle[6], foi de gourgandine ».
À Marcadet-Poissonniers, elle se fait la réflexion : « Sacré nom d’espoir saint[7], vas-tu enfin poser les yeux sur moi mon mignon ? » Quand il se retourne enfin, elle se dit façon Boris Vian dans Fais-moi mal Johnny « C’est dans la poche ». Quelques mots échangés et hop, direction Saint Philippe du Roule dans son hôtel borgne préféré, le bien mal nommé et mal famé hôpital du pénis puéril[8].
Arrivés dans la chambre, histoire d’exciter sa virilité, la voilà qui minaude et joue les Jeanne Antoinette Poisson, marquise de Pompadour. Pâmée, elle soupirait à elle-même : « Ainsi attendais-je qu’on poudre et pomponne ma rose[9]. » Ce qu’il fit sans se faire prier, le bougre d’animal !
Pour le remercier, elle le suce gaiement. (Oh ! Ca va, c’est une image[10]). Et puis, n’en déplaise au grand Serge et son sucre d’orge à l’anis, peut-on être aujourd’hui une cougar sans délire[11] ?
L’immersion (Miromesnil) fut complète. Epuisés, ils passèrent la nuit au gisant (Saint Augustin). Enfin, au petit matin, elle mit son Tarzan à l’asile (Saint Lazare)
Voici l’amant d’une nuit fort injustement éconduit, à Saint-Lazare (tiens, encore une gare) ; elle prend une pause. Café, croissant pris au comptoir d’un rade. Elle se saisit du journal. En première page figure le Président Barack Hussein Obama… cet homme qui doit beaucoup à Rosa Parks, à ce bien humble destin[12]. Mais le monde est méchant. Car là-bas, aux USA, les opposants du 44ème président des USA s’en donnent à cœur-joie, comme en témoigne l’étrange association (President Barack Obama / An Arab Backed Imposter) derrière laquelle pointe un relent de racisme malheureusement trop familier par les temps qui courent.
« Bah », se dit-elle. « Ce sera ni le premier ni le dernier homme politique à se faire charrier, anagramme perverse à l’appui », témoin Ronald Wilson Reagan, que des membres de l’autre camp avaient assimilé à un « Insane Anglo Warlord ».
En quittant le bastringue, elle se dit que quitte à perdre la tête, autant que ce soit comme cette nuit, dans les spasmes de l’amour façon l’origine du monde (Gustave Courbet). Pendant ce temps, lui l’étranger, loin d’elle, mais encore tout plein des souvenirs de leur nuit d’amour, il pense encore à… ce vagin où goutte l’ombre d’un désir[13].
[1] Anagramme tirée du merveilleux plan de métro de Gilles Esposito-Farèse.
[2] op cit
[3] op cit
[4] op cit
[5] op cit
[6] op cit
[7] op cit
[8] op cit
[9] Extrait du livre « Anagrammes renversantes ou le sens caché du monde » d’Etienne Klein et Jacques-Perry Salkow
[10] Source : votre serviteur
[11] Source : votre serviteur
[12] Extrait du livre « Anagrammes renversantes ou le sens caché du monde » d’Etienne Klein et Jacques-Perry Salkow
[13] op cit
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PS : Cette histoire d'anagrammes fut exposée la première fois lors de la réunion n°22 d'IGNITE Paris en septembre 2014.
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