Le chevalier Don Quichotte est un redresseur de torts. Sa force, il ne la tient pas de la vigueur de ses muscles, ni de son adresse à manier la lance et encore moins de la promptitude de sa monture à lui épargner toute prise au danger. Non. Sa force, il va la puiser dans cette étonnante faculté de subordonner la réalité à la puissance de son sentiment de justice et à la haute idée qu'il se fait de sa mission. C'est même là tout le propos de Juan Goytisolo dans son récent discours lorsqu'il reçut le prix Cervantès.
Baroque à souhait, Don Quichotte enchante le monde. Les moulins à vent sont des géants, les outres de vin de dangereux ennemis et les marionnettes de Maître Pierre aussi réelles que les personnages qu'elles représentent. Pour le chevalier à la triste figure, la réalité ne vaut que comme support à une transformation anamorphique légitimant son oeuvre ; elle est subordonnée à la puissance de son désir d'apporter justice et bienfait dans un monde assailli de mille dangers. En un mot, l'histoire de Don Quichotte est celle d'un homme capable d'inventer l'histoire du monde du fait même de son aptitude à l'enchanter, à le voir sous les yeux de l'émerveillement plutôt que de la réalité triviale que lui renvoie son fidèle écuyer Sancho Panza. Il humanise le monde en le soumettant à la puissance de son imagination.
C'est tout juste ce que fait Chris Milk quand, se servant des technologies de réalité virtuelle, il rend plus accessible et plus émouvante l'histoire bien réelle - mais si peu audible - d'une jeune fille condamnée à l'exil par la folie destructrice des hommes. Regardez plutôt :
Commentaires