Quand j'ai été embauché chez Business Objects, en 1994, je me souviens encore que la "company pitch", c'est-à-dire le propos résumant la proposition de valeur de l'éditeur. Il tenait en un seul graphique.
Le discours d'accompagnement à l'attention des prospects et clients allait à peu près comme suit :
" Vous vous trouvez à la croisée de trois tendances lourdes.
Première tendance : du fait de l'accélération des choses, le nombre de décisions critiques à prendre croît de façon régulière.
En parallèle, et c'est la deuxième tendance lourde, le nombre de données à interpréter pour étayer ces prises de décision augmente lui aussi, mais selon une loi de puissance, c'est-à-dire de façon exponentielle.
Enfin, troisième tendance de fond, les compétences humaines dédiées à l'analyse des données, décroissent elles - trop difficiles à trouver, trop briguées pour rester longtemps au même poste, etc.
Au total, vous êtes confronté à une situation proprement impossible à gérer : devoir prendre toujours plus de décisions nécessitant de triturer des quantités de données en croissance folle et tout ça avec de moins en moins de ressources. C'est ce que nos amis anglo-saxons appellent le "fact gap", formule on ne peut plus elliptique à laquelle je vous propose la traduction métaphorique de "cul-de-basse-fosse des données délaissées dans la prise de décision ". "
Bien sûr, vous l'aurez compris, une fois posé le problème, le propos consistait ensuite à rassurer notre interlocuteur sur le fait que la technologie de Business Objects allait pouvoir l'aider à combler le fossé. Après avoir "vendu" le problème, il devenait aisé de positionner conceptuellement la "solution" en contrepoint.
A l'époque, j'avais trouvé ce graphique d'une efficacité redoutable pour positionner le concept. Mais quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que mon ex-collègue Timo Elliott, évangéliste talentueux dans le domaine des technologies d'aide à la décision, continuait d'utiliser exactement le même graphe pour illustrer une des propositions de valeur communément associées au concept de "Big Data".
Regardez, il suffit de remplacer les gigabytes des années 90 par les petabytes d'aujourd'hui et les ressources disponibles pour analyser les données par le terme de "data scientists" et le tour est joué. Même concept, même problème de base, même solution... Seule différence : le "Fact Gap" est devenu le "Big Data Gap".
Au-delà de la surprise éprouvée à retrouver dans une présentation marketing, à 20 ans d'intervalle, un graphique dont j'ai pu faire un usage important dans le passé, ce qui m'a frappé, c'est de constater combien un graphique bien conçu pouvait aider à véhiculer un message sans prendre la moindre ride.
C'est du reste tout le propos de la présentation de Cole Nussbaumer Knaflic, dont le livre "Storytelling With Data" constitue un "must read" pour quiconque entend exploiter au mieux les propriétés de notre mémoire iconique pour enrichir ses présentations et surtout en renforcer l'impact.
“L’intelligence artificielle en 2017, c’est la quintessence du big data qui doit servir le client, loin du grand chamboulement qui fera disparaître tous les collaborateurs.” Arnaud de Lacoste.
Rédigé par : Stéphane | 20/11/2019 à 10:54