Pour bien raconter les histoires, il faut aimer les mots, savoir en goûter la saveur exquise et parfois vénéneuse, se laisser envoûter par leur magie sonore.
J'en veux pour preuve cet après-midi lointain où, jeune étudiant au Lycée Masséna à Nice, j'étais plongé dans l'étude de textes philosophiques à la bibliothèque municipale Dubouchage. J'avais entre mes mains un livre de Jean-Marie Domenach, une des figures de ces intellectuels engagés qui me fascinaient tant alors.
En parcourant le texte, je tombai sur une phrase qui m'est resté gravée comme un coin dans le liber de l'arbre fraîchement coupé. Pourfendant un certain type d'homme politique, Domenach évoquait comment des personnes à la sincérité discutable "batifolaient dans les prairies lunaires des utopies dévergondées."
Quelle économie de mot ! Quelle sublime image !
Pas plus tard qu'aujourd'hui, lors d'un atelier de formation chez un client, mon ami Hervé m'a fait saliver à nouveau par un agencement inattendu de mots. Alors qu'il décrivait aux participants un jeu de rôle à venir, il encouragea ces derniers à simuler des conversations de vente 2 par 2 et à changer d'interlocuteurs en fonction des thèmes de discussion. Le but de ce jeu de rôle ? Découvrir des lacunes dans la conversation et les corriger. Mais pour le dire, Hervé employa une combinaison pour le moins inattendue de mots puisqu'il recommanda aux stagiaires de "diversifier l'éclairage des incomplétudes".
Ca ne fait pas rêver ?
J'avais 18 ans quand je découvris Domenach ; j'en ai 56 aujourd'hui. Mais dans cette flèche temporelle qui va de ma jeunesse vers le temps du présent, la magie des mots continue d'opérer.
Je t'ai aimé
Je t'aime
Et je t'aimerai
Rédigé par : Hervé François Podvin | 25/05/2019 à 19:47