Cela m'arrive rarement. Mais là, je dois bien reconnaître que j'ai été séduit par la dernière campagne d'affichage OuiCar dans le métro parisien.
En apparence, pourtant, rien de très original. La campagne repose sur la mise en scène de quatre situations. Il y a la jeune fille en manque de surf sur la côte basque, l'homme qui dépérit comme une vieille plante dans son appartement et cherche à déménager, l'étudiante (ou l'employée) qui croule sous la charge de travail et se ferait bien un week-end balnéaire pour se changer les idées et le jeune homme en manque d'une belle côte de boeuf en plein air en Normandie.
Alors qu'est-ce qui m'a plu ?
D'abord, ces quatre affiches racontent chacune une historiette : celle de quelqu'un qui s'emm****, veut changer les choses et se sert du service proposé par OuiCar - location de véhicule particulier à particulier - pour satisfaire son désir et assouvir son envie d'évasion.
A travers le format de l'histoire, ce n'est pas le produit/service qui est le héros ; c'est la personne qui en tire bénéfice. L'ancrage se fait sur la situation génératrice, le problème initial et l'envie qui en résulte. Nous sommes loin des cas, si nombreux en publicité, d'exaltation, voire de sublimation du produit/service.
Mais surtout, ce qui m'a frappé, c'est qu'en général, sur les supports écrits - flyers, sites web ou affiches - les histoires reposent sur trois piliers : la situation initiale (le problème), la solution (le produit/service mis en relief), les résultats (le dénouement heureux). Ici, nous voyons l'histoire se dérouler en quatre temps. Nous retrouvons les trois figures habituelles - le problème, la solution, le résultat - mais entre l'illustration du problème et la suggestion de la solution s'est glissée une vignette où nous voyons notre héroïne pensive.
La vignette (agrandie à dessein ci-dessus) représente le moment où nous mobilisons notre imagination pour construire mentalement les solutions propres à l'évacuation du problème. Contrairement à une certaine idée reçue, l'existence d'un problème n'implique pas la recherche de solution. Et je suis sûr que vous connaissez autour de vous des milliers de gens qui préfèrent se complaire dans le problème plutôt que de consentir l'effort associé au fait d'en sortir. Il y a un confort à rester au niveau problème. Un confort vénéneux, certes, mais un confort tout de même. Oui, bien sûr, je souffre. Mais il s'agit d'une souffrance connue, sans surprise. A l'inverse, la recherche de solution est exigeante. Elle suppose un refus implicite du status quo, l'acceptation d'un déséquilibre pouvant entraîner une déception, voire une chute.
Nos amis de OuiCar ont eu l'intelligence de représenter ce moment particulier où les scénarios se bousculent dans la tête, où nous refusons l'idée de continuer comme avant, où nous scellons un pacte avec nous-mêmes pour modifier notre quotidien.
En créant cette image traditionnellement absente des narrations sur support écrit, l'équipe d'OuiCar a elle-même pris un risque : celui d'aller à contre-courant du schéma traditionnel problème-solution-résultat. Elle a mis en scène le moment le plus vaporeux et immatériel de toute démarche de changement : celui où nous nous abandonnons au rêve, aux charmes délétères de la conjecture, celui où nous laissons le désir prendre forme en nous.
Bravo !
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