Les histoires reposent traditionnellement sur trois actes. Il y a l'acte I - aussi appelé début - de présentation du héros et de sa quête. Puis vient l'acte II - le milieu - durant lequel le héros se trouve confronté à de multiples péripéties venant contrecarrer ses efforts. Enfin, survient l'acte III - le dénouement - au cours duquel le héros parvient à son objectif, souvent grâce au concours inespéré d'une main réconfortante.
Cette structuration est universelle. Elle irrigue nos grands récits depuis la nuit des temps. C'est même au point où nous sommes souvent amenés à reproduire ce schéma sans même nous en rendre compte.
Lors d'un atelier de formation que je donnais récemment à Londres et alors que je venais d'exposer l'art et la manière de construire une histoire - début, milieu, dénouement - je fis part de mon étonnement en constatant combien les responsables marketing échouaient à respecter ce schéma narratif quand ils mettaient en valeur les réalisations probantes de leur société. Trop souvent, remarquai-je, les histoires qu'ils promeuvent, illustrent bien le défi ou le problème initial (l'acte I) avant de basculer sans faire ni une ni deux sur l'exposé de la solution. Or la solution, c'est l'acte III. Par suite, l'acte II fait entièrement défaut.
C'est alors qu'un participant répondant au prénom de Sean prit la parole et résuma mon propos par cette expression : "Americans have no Act II".
Devant ma surprise et celle de l'auditoire, il expliqua que cette citation émanait de la bouche de Roman Polanski, du temps où il sévissait à Hollywood.
A la pause, je retrouvai Sean et lui demandai comment il connaissait cette citation. Avec un sourire entendu, il me confia qu'il avait longuement traîné ses guêtres à Hollywood en qualité de scénariste. Puis, revenant à la citation de Polanski, il me fournit un peu plus de contexte : à son arrivée sur le sol des Etats-Unis, le jeune réalisateur franco-polonais avait été frappé de constater combien les Américains étaient impatients d'arriver au résultat, quitte à passer au plus vite sur les péripéties caractéristiques de l'acte II.
La tendance dénoncée aujourd'hui de façon unanime à la rechercher la gratification immédiate, à balayer du revers de la main tout ce qui pourrait s'apparenter à un effort viendrait-elle de là ?
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