Je ne compte pas le nombre de fois où, quand j'étais petit, des grandes personnes me demandaient avec un sourire engageant ce que je voudrais faire une fois devenu adulte. Comme je n'avais pas une envie folle de voir la conversation s'engager sur les mérites comparés de tel ou tel métier, je répondais le plus souvent : "Je ne sais pas", complété d'un Monsieur ou Madame bien pesé en fonction des attributs morphologiques de mon interlocuteur.
Cette question somme toute anodine était, je crois, le reflet d'une époque. Une époque où il allait de soi que :
1. Un enfant devenu adulte exercerait un métier ;
2. La liste des métiers était suffisamment stable ou intemporelle pour que même un enfant de 10 ans puisse sans difficulté se projeter dans le monde du travail 10 à 15 ans plus tard
30 ans se sont écoulés depuis. Mon métier n'existait pas quand j'étais petit (au moins quant à ses conditions d'exercice, puisqu'il requiert une utilisation quotidienne des outils bureautiques). Je suis père de 3 enfants, dont l'aîné va sur ses 14 ans. Signe des temps, aucun adulte ne lui demande ce qu'il veut faire quand il sera grand. Quant à moi, je redoute le moment où il me posera la question : "Papa, qu'est-ce que je ferai quand je serai grand ?"
Alors, en application de l'adage célèbre "aide-toi, le Ciel t'aidera", depuis quelques temps déjà, je me prépare à répondre à cette question : je lis des dossiers sur les métiers de demain, me renseigne sur les filières éducatives qui y préparent, pose des questions autour de moi, etc. J'herculepoirote pour découvrir les contours du futur.
Et voilà que pas plus tard qu'hier, en parcourant d'un oeil distrait le supplément du New York Times inclus dans le Monde du samedi, je tombe sur un article de David Barboza intitulé "Monsters to Slay? Outsource It to Gamers in China". Quelque chose comme : "Un désir de massacrer des monstres ? Externalisez-le auprès de joueurs professionnels en Chine", en version traduction libre de votre serviteur.
Avec un titre comme cela, je peux difficilement résister à la tentation de le lire. Et croyez-moi, je ne suis pas déçu du voyage. J'y apprends que les fans de jeux vidéos richement dotés côté pépètes, mais souffrant d'une pénurie de temps libre, sous-traitent à des entreprises chinoises le passage en leur nom des premiers écrans ou épisodes des titres de leur choix. Les entreprises en question emploient de jeunes gens qui, pour 250 $ par mois, ont pour mission de franchir les obstacles virtuels se présentant sur leur console vidéo. La performance des joueurs salariés est dûment inventoriée par l'entreprise qui en fait la promotion sur le marché et la monnaye en conséquence.
Les empereurs de Rome avaient leurs sicaires, les abbassides leurs séides (zayd), les Etats modernes leurs mercenaires, le Vatican ses gardes suisses -- ou plutôt garde-cuisses pour reprendre le bon mot du Canard Enchaîné après les déclarations récentes sur le thème de l'ordination des prêtres et leurs penchants sexuels (NDLR - merci M. le Roude !) ... Désormais, vous pouvez avoir votre avatar made in China pour régler vos comptes avec les monstres (virtuels) les plus hideux de la galaxie !
Ya pas à dire, on vit dans un monde fantastique !
Have fun...
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