En lisant hier le dossier consacré par le magazine Fortune (édition Europe) aux 50 sociétés les plus admirées au monde, ma première réaction fut de surprise. Sur les 50 sociétés en question, près des deux tiers (32 sur 50) sont américaines, 11 sont européennes et 7 asiatiques. Parmi les 11 représentants européens, un seule est français : L'Oréal.
J'ai beau être bassiné tous les jours d'explications plus ou moins polémiques sur le déclin de la France, l'exceptionnel dynamisme des Etats-Unis, ce résultat m'est apparu suspect. La suprématie nord-américaine est-elle vraiment aussi absolue ? En consultant la liste des 500 plus grandes sociétés mondiales publiées par le même Fortune (Fortune 500), j'ai pu constater que le poids des sociétés nord-américaines était 2 fois moindre en proportion -- 179 entrées, soit un tiers -- et que le nombre de représentants nationaux -- 39 entrées, soit près de 8% -- était en ligne avec la perception que je pouvais avoir du poids de notre économie à l'échelle mondiale.
La deuxième raison à l'origine de ma surprise renvoyait à la nature même des sociétés figurant en tête d'affiche. Trouver des noms comme Berkshire Hathaway ou Wal-Mart parmi les 10 sociétés les plus admirées au monde me laissait littéralement pantois. Surtout à un moment où nombre d'économistes et de curieux de tout poil se demandent si Wal-Mart est une bonne ou une mauvaise chose pour l'économie américaine, comme en témoigne l'article de l'Economist de cette semaine.
Ma première bouffée de surprise, voire d'agacement, passée, j'essayai de comprendre. Allons bon. Parmi les plus grandes sociétés mondiales, un tiers sont américaines ; pourtant, sur les 50 sociétés les plus admirées de la planète, les 2 tiers sont américaines. Pourquoi un tel décalage ?
Je me suis rappelé la jolie histoire que Michel Serres raconte sur l'étymologie du mot "marque", ou comment les empreintes de pas laissées par les putains d'Alexandrie sur la plage, marquées du sceau de leur identité, permettaient d'attirer le micheton en lui indiquant le chemin à suivre pour les retrouver. De la marche des péripatéticiennes de l'antiquité égyptienne au "global branding" à l'américaine du XXIe siècle, le chemin est certes long, mais n'est-ce pas la même petite musique de la séduction monnayée qui se laisse entendre ? Tu me montres ton empreinte, je m'en remets à tes charmes et te donne quelques billets contre le droit de prendre mon pied, de jouir de l'expérience que tu me proposes.
C'est là que je me suis proposé de réaliser l'expérience suivante : tenter de dissocier les marques connues, de notoriété établie et indiscutable de celles qui inspirent, c'est-à-dire à fort pouvoir d'évocation, riches en représentations positives. D'un côté les marques qui ont une image, de l'autre celles qui exercent une magie.
Pour ce faire, j'ai pris le parti d'isoler le facteur de la taille en me disant que l'image de marque d'une très grande société -- comme Total ou Wal-Mart -- était forcément influencée par son importance, son omniprésence. Sa taille seule représente un motif d'admiration. A l'inverse, je me suis dit que pour les marques exerçant de la magie, l'attribut de la taille était a priori indifférent. J'ai donc reclassé les 50 sociétés les plus admirées au monde de Fortune dans l'ordre décroissant de leur ratio :
[Position dans le classement mondial par chiffre d'affaires selon Fortune] ÷ [Position dans le palmarès des 50 sociétés les plus admirées selon Fortune]
Le classement est édifiant, puisqu'alors le "top 1O" voit disparaître les GE, Wal-Mart, BP, Exxon et autres Berkshire Hathaway au profit de sociétés comme Apple, Singapore Airlines, Microsoft, Johnson & Johnson, Procter & Gamble, Coca Cola et... notre champion national L'Oréal.
La méthode d'établissement de ce nouveau classement est, j'en conviens, on ne peut plus rudimentaire. Pourtant, je me sens beaucoup plus à l'aise avec la nouvelle liste, car j'y retrouve des entreprises qui m'aident à rendre la vie plus agréable et plus enrichissante. Pas vous ?
Bonjour,
Je souhaiterais connaître le nom de l'auteur de la peinture qui illustre votre article.
Merci !
Rédigé par : Adelinea | 23/02/2010 à 17:40
Chère Adelinea,
Voilà une bien belle colle à laquelle je ne sais pas répondre.
J'ai dû trouver cette image sur le net et comme je l'ai trouvée belle, je l'ai choisie en son temps pour illustrer le billet.
Désolé de ne pouvoir être plus explicite.
Bien à vous
Jean-Marc
Rédigé par : jmbellot | 24/02/2010 à 01:52