Lorsque j'ai commencé à blogguer, il y a de cela pratiquement 6 mois, mes intentions étaient limpides. Je voulais en premier lieu acquérir un nouveau savoir-faire ("tu verras comme c'est simple, c'est bête comme chou," me disaient des amis qui avaient plongé). En second lieu, je souhaitais me faire une idée par moi-même des qualités de ce médium comme vecteur de promotion de mes activités professionnelles ("je connais une société qui fait tout son marketing à partir du blog... propagation virale du message... effet réseau garanti... succès retentissant...", m'avait raconté un capital-risqueur.
Six mois plus tard, quand il me vient de me reposer la question (comme ce matin en allant chercher le pain), je me rend compte que mes motivations ont changé au fil de l'usage.
Qu'en est-il de mon intention première ?
Côté apprentissage, je dois reconnaître que ça a été simple. En tout cas, c'est ce que je peux dire aujourd'hui, après avoir "stressé" comme une bête au début, avant de me jeter à l'eau. Je ne sais pas si c'est la même chose pour vous, mais à chaque fois que j'envisage l'acquisition d'un savoir nouveau, je balise sévèrement. Le paradoxe, c'est que les commentaires a priori bienveillants du genre "tu verras, c'est à la portée du premier crétin" ne font qu'alimenter mon sentiment d'angoisse, l'idée que je n'y arriverai pas, que, de toute façon, j'ai toujours été un handicapé de la technique, et comme les blogs, c'est de la technique, que je vais droit dans le mur. Depuis, j'ai découvert -- grâce aux blogs ! -- qu'il n'y avait rien que de plus normal à sentir cela, que cela faisait partie du chemin que nous parcourons tous lorsque nous sommes confrontés à un nouvel apprentissage.
Sur ce chemin cahoteux, je pense aujourd'hui avoir franchi le premier palier, celui à partir du quel on considère qu'on n'est plus une brèle sur le sujet et qu'à défaut d'être bon, on peut se regarder dans la glace sans rougir de honte. Aujourd'hui, même si je me sens encore loin de maîtriser des concepts que d'aucuns considèrent comme élémentaires comme le RSS, les liens permanents ou les "trackbacks", j'éprouve du plaisir à créer un billet, le publier, insérer des images, en ajuster la taille, associer des liens, modifier la disposition des rubriques dans le blog, bref, autant d'activités qui me paraissaient proprement insurmontables à l'origine.
Et mon deuxième objectif alors ? Vous vous souvenez, celui qui consistait à créer, à partir du blog, un mécanisme d'aspiration de trafic autour de mes activités commerciales, mon "business" comme disent les américains. Qu'en est-il ? Eh bien là, je dois confesser tout net, c'est un échec cuisant... Le trafic sur mon blog se languit : 1.000 pages vues en 6 mois, soit une moyenne de 6 connexions par jours - 1 pour mon père qui se connecte quotidiennement, cela fait 5 connexions / jour. Si le coeur du monde bat au rythme de construction des autoroutes de l'information, je revendique dans cet espace le statut de chemin vicinal de la blogosphère, vous savez le chemin qui part sur la droite après l'église... Non ? Vous ne voyez pas ? Bon, c'est pas grave...
Et c'est bien là que je veux en venir. Car tout ça est complètement de ma responsabilité. Je ne fais que ramasser ce que j'ai semé. Voilà comment tout s'est déroulé. J'ai ressenti une telle excitation lorsque j'ai publié mon premier notule, que j'en ai oublié mes intentions initiales. Je me suis mis ensuite à écrire sur tout ce qui me passait par la tête : un peu d'actu, des impressions glanées au fil de l'eau, quelques livres qui m'ont marqué... De boulot ? Rien (ou presque). Qui pourrait déduire, en parcourant rapidement les billets publiés sur ce blog, que mon activité consiste à aider des éditeurs de logiciels à accroître leur performance commerciale à travers la mise en place de processus de vente ?
Alors, qu'est-ce qui a changé ? Qu'est-ce qui m'a fait dériver ? Tout simplement, le fait que l'utilisation du blog m'a fait redécouvrir un plaisir d'enfance. Quand j'étais petit garçon, j'adorais noter dans un carnet tout ce qui me traversait l'esprit. L'utilisation du blog a réactivé ce plaisir de gamin. Comme depuis lors mes facultés cognitives se sont altérées avec l'âge, j'ai découvert dans le blog un réceptacle pour sauver de l'oubli ce que ma mémoire ne savait ou ne pouvait plus garder. Le blog, comme outil d'externalisation de ma mémoire défaillante, comme l'expose si brillamment Michel Serres dans une conférence consacrée à l'apport des nouvelles technologies et tenue en décembre 2005 dans les locaux de l'école Polytechnique...
Des esprits chagrins très près de moi pourront aussi arguer que le blog, c'est une manière de donner libre cours à un narcissisme exacerbé, à se regarder complaisamment le nombril. Peut-être. Alors, histoire de ne pas donner trop de prise à cet avis, je m'arrête là et vous souhaite -- aimable & patient lecteur -- un excellent week-end pascal.
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(1) L'image ci-dessus représente la reproduction d'un tableau de Jocelyne Barnabé, intitulé "Le nombril du monde".
(2) Pour ceux qui cherchent le locus véritable du nombril du monde, qui sont en quête de cet omphalos que d'aucuns situent à Delphes, d'autres au Saint-Sépulcre de Jérusalem, je vous invite à faire un voyage virtuel sur le superbe blog de Robin Plackert, justement appelé "Fragments de géographie sacrée". A elle seule, la découverte de ce blog justifie tout le temps que je passe à chercher à me justifier... Toute passion entraîne-t-elle toujours le sentiment de culpabilité ?
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