Chez Klimt comme chez Botticelli, l'allégorie de la vérité est une femme nue, debout, droite, toute d'immobilité et de sérieux.
Le Bernin, lui aussi, la sculpte dénudée. Mais au lieu d'être figée dans une posture solennelle, elle est assise, elle est radieuse, elle est serpentine. Les lignes sinueuses de son corps ondulent avec grâce, toute absorbée qu'elle est du plaisir d'être dévêtue par le Temps. Elle est mouvement et jouissance.
La vérité sait-elle se conduire en société ? A en croire Botticelli, elle fait bande à part. Entourée de mégères comme l'ignorance, le remors ou la calomnie, elle préfère s'abstraire des bassesses de ses compagnes d'infortune en pointant son regard vers le ciel. Chez Klimt, elle est seule, hiératique ; elle regarde droit devant sans sourciller.
Chez le Bernin, en revanche, elle se montre plus accomodante. Elle sourit au Temps qui la dévêtit. Et quand elle accompagne le pape Alexandre VII dans la mort, elle fait preuve d'une réserve et d'une pudeur sans égale. Il faut dire qu'invitée à Saint Pierre, son créateur a été sommé de l'habiller. La vérité est nue, certes, mais il ne s'agirait quand même pas qu'elle suscite la convoitise et la concupiscence. Et c'est justement là, qu'après l'avoir habillée, elle devient d'une sensualité étourdissante. Encore une fois, le Bernin réussit cet exploit de suggérer dans la même composition un dialogue harmonieux entre les contraires. Il façonne dans le marbre une rhétorique troublante où se rejoignent la brûlure du désir et la morsure glaciale de la mort.
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