Cette semaine, j'ai eu la joie de participer au mariage d'un ami français (N.) avec une jeune fille chinoise (F.). J'y ai aussi découvert (ou à défaut, j'ai cru comprendre) tout plein de choses. En vrac :
1. en chinois, le mariage se désigne par le symbole du double-bonheur (voir illustration), mais ne se prononce pas double-bonheur.
2. si j'en crois la série de plats que j'ai dégustés ce soir-là (langouste au gingembre, potage à l'aile de requin, riz gluant), la cuisine chinoise mérite bien sa belle réputation !
3. tous les jeunes gens que j'ai rencontrés font preuve d'un courage exemplaire : études la journée pour s'enrichir intellectuellement et travail le soir pour financer mon premier
4. en Chine, une femme qui se marie doit arborer beaucoup de robes
5. la couleur rouge a la cote
6. seul l'empereur avait le droit d'arborer un dragon sur ses habits
7. il n'y a pas de protection sociale dans le plus grand pays communiste de la planète
8. les grèves en France sur le CPE font rire gentiment (il faut dire que les jeunes Chinois qui se rendaient sur la place Tiananmen en 1989 rédigeaient leur testament avant d'exprimer leur souhait de démocratie)
9 ... et plein d'autres choses encore.
Pourtant, dans cette atmosphère de liesse, alors que je me rendais avec un couple de jeunes amis chinois de la mariée, rue Belleville, j'ai découvert comment l'esprit de subtilité appliqué à la conversation permettait de faire face à des situations embarrassantes. Ainsi, lorsque je posai une question pour savoir si des manifestations comme celles provoquées ici par le projet de loi sur le CPE auraient pu se produire en Chine, j'ai été surpris de la réponse qui m'a été donnée :
"Oh ! En Chine, le fait d'avoir un seul parti permet de faire passer plus rapidement les lois ; c'est un gage d'efficacité politique."
Comme je me retournai vers mon interlocuteur et lui adressai un regard incrédule, je notai l'esquisse d'un sourire à la commissure des lèvres. Ce sourire me donnait la suite de la réponse, le complément indispendable qui donnait du sens à l'énoncé explicite.
A travers cette illustration éloquente de l'art du non-dit, je découvris combien la chance de pouvoir dire n'importe quoi sans le moindre risque -- ce que je fais hélas trop souvent sans peser à sa juste valeur la chance que j'ai -- j'avais perdu de vue la violence intrinsèque des paroles, combien certaines questions peuvent nécessiter des réponses complexes, voire dangereuses. Après tout, j'aurais dû me douter que dans le pays où le mot "démocratie" a été éradiqué du langage, prudence est mère de sûreté, ou, pour reprendre l'image toute extrême-orientale : "si le tronc remonte la rivière, ce n'est pas un tronc".
Cher Jean-Marc,
Bravo pour votre blog ! C'est difficile pour moi de tout comprendre.
c'est une surprise pour moi, je ne sais pas comment dire ce proverbe en chinois, peut être "shui da liu".
C'est à dire que la majorité de gens font la même chose que les autres pour éviter des ennuis, des jalousies, des ennemis....
ne pas être différent que les autres, on est dans la même équipe... au contraire, on est anormal.
Xixie ! Merci encore d'être venu à notre mariage !
Fangqin
Rédigé par : Fangqin Zhou-Halftermeyer | 03/08/2006 à 00:19
Fangqin,
Tout le plaisir était pour moi ! Quant au proverbe, j'aurais tendance à le traduire par quelque chose comme : "si quelque chose doté d'une certaine apparence a un comportement étrange, ce n'est pas le comportement qu'il faut mettre en cause, mais l'apparence". Ce tronc inoffensif qui remonte la rivière ne cache-t-il pas un dangereux crocodile ?
Je t'embrasse.
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc | 27/08/2006 à 16:53