Il y a précisément un an, je terminais avec délectation la lecture du "Successeur de pierre" de Jean-Michel Truong, qu'un ami m'avait prêté. Si, à l'époque, quelqu'un m'avait demandé dans quelle catégorie classer ce livre, j'aurais répondu sans l'ombre d'une hésitation : science-fiction. Il y est question d'un monde "globalisé", organisé autour de quelques immenses cités-termitières regroupant chacune des dizaines de millions d'individus reclus dans des cellules archi réduites & fonctionnelles. Chaque jour, chacun vend sa force de travail sur une place de marché électronique à la dimension planétaire. L'équilibre entre offre et demande se gère en temps réel, sans friction aucune et quand vient le soir et que l'esprit et le corps se coalisent et vagabondent en quête de satisfactions sexuelles, les citoyens de ce monde parfait font appel à des avatars sophistiqués qui accomplissent à distance les fantasmes & désirs de leurs maîtres... "D'un érotisme fou," me disais-je il y a un an. "Il faudra encore bien quelques lustres pour en arriver là."
Pourtant, la semaine dernière deux articles lus dans la presse m'ont apporté un démenti cinglant à cette opinion d'un optimisme béat. Le premier est paru dans l'édition du mois d'août du Monde Diplomatique. Il est signé par Pierre Lazuly, auteur sur Internet des Chroniques du menteur et animateur du portail Rezo.net et est intitulé "Télétravail à prix bradés sur Internet". On y découvre notamment comment des traducteurs professionnels proposent leurs services à un salaire horaire de 3,60 dollars (2,85 euros) de l'heure, à la condition qu'en outre des qualifications nécessaires à l'exercice de cette activité, ils puissent justifier d'une certification autour de l'utilisation d'un certain logiciel de traduction automatique : Trados. A travers l'utilisation de ce logiciel, le savoir-faire de l'humain sera impitoyablement capturé ; dans le futur, le logiciel saura reconnaître tout seul des expressions déjà traduites par le passé ; il en offrira la version dans la langue de destination sans avoir besoin d'une intercession humaine. Aussi, le traducteur de chair et de sang ne sera plus payé que sur ce que le logiciel ne sera pas parvenu à déchiffrer. Bon an, mal an, l'humain laissera la place à la machine. Un scénario bien connu, mais pour lequel nous croyions les professions du savoir encore à l'abri. A voir...
Dans le deuxième article, paru cette fois dans Libération de lundi dernier (le 28 août), j'ai découvert avec stupeur l'engouement suscité par "Second Life", un monde parallèle sur le Net, où tout un chacun peut se créer une vie nouvelle, par l'entremise d'un avatar. Second Life, c'est un monde où interagissent près de 600.000 résidents et dont la population double tous les 2 à 3 mois. En entrant dans ce monde tout ce qu'il y a de plus virtuel, vous vous choisissez un personnage, un style de vie, etc. Mais là où les choses se compliquent, c'est que si vous souhaitez offrir à votre avatar un cadre de vie plus confortable que celui prévu dans la formule de base, il vous faudra débourser en argent réel. La monnaie qui a cours dans Second Life (SL) s'appelle le Linden dollar et son taux de conversion avec le dollar américain (le vrai, tout vert, avec son aigle et le fameux "In God We Trust") évolue au gré de l'offre et de la demande. Plus fort encore : des entreprises issues du monde réel, comme Toyota par exemple, proposent aux résidents de SL des versions digitales des produits qu'elles commercialisent dans la vie de tous les jours. Le pompom, c'est que certaines de ces entreprises entendent commercialiser leurs produits nouveaux d'abord sur SL, vérifier à peu de frais s'ils marchent bien auprès des avatars, avant de décider de les lancer "pour de vrai" dans le réel...
Dans les deux cas de figure, nous assistons à un empiètement du virtuel sur le réel. Voire, le virtuel se nourrit du réel, le vide de sa substance, pour mieux l'assujettir. Au passage, ce sont des décennies de combat pour la défense d'un salaire minimum (autour de 5 dollars de l'heure aux USA) qui volent en éclat ; ce sont des professions entières qui sont mises en péril. Côté positif maintenant, au fil de l'interpénétration des mondes réel & virtuel, nous assistons aussi à la naissance de métiers nouveaux et à l'émergence de modèles économiques inédits.
Terrifiant & fascinant à la fois, non ?
A mon tour de venir explorer...
Rédigé par : Lessa | 05/09/2006 à 20:48
C'est là le défi. D'un point de vue "macro" cette nouvelle tehnologie marque certainement en effet la fin d'un métier, ou en tous cas le fait profondément évoluer : ceux qui resteront se feront surement payer plus cher car ils seront rares et indispensables. Ceux qui seront capables de traduire des textes très pointus. Mais génère aussi de nouveaux débouchés : développeurs de logiciels... Le tout censé s'équilibrer.
Mais une approche "micro" montrerait juste des gens qui restent sur la touche...
Rédigé par : poulette | 09/09/2006 à 09:34
Poulette,
Je souscris à votre analyse. Selon la nature des lentilles utilisées, ce qui est vu peut-être terrifiant ou réconfortant. Avec le microscope social, je vois mon voisin mis sur la touche : indignation. Avec le téléscope, je vois une société en perpétuelle réinvention : des centaines de milliers de postes créés dans des métiers nouveaux. A ce propos, la semaine dernière, alors que je déambulais dans le hall de la Gare de Lyon, j'y ai découvert une galerie de kakémonos représentant chacun une personne exerçant un métier atypique dans la région Provence-Côte d'Azur. Parmi ces personnes, j'ai vu un conteur/guide randonneur qui accompagnait ses clients sur les traces de Jean Giono dans la montagne de Lure, un inventeur de substances médicamenteuses à partir des essences de la garrigue dans le Haut-Var, un passionné de kite-surf autour de Toulon... autant de métiers, dont je n'aurais pas soupçonné l'existence, il y a encore quelques mois. Impression de vitalité, désir de renaissance.
Bonne journée à vous et merci de vous être arrêtée sur mon blog.
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc | 09/09/2006 à 13:35
Lancement du 1er référentiel européen de mesure des actifs immatériels
Vendredi 2 février 2007 – Paris Opéra Bastille - 8h30 à 12h00
Les économies occidentales sont devenues en une décennie massivement immatérielles. Selon une étude de la Banque mondiale, l’économie française est immatérielle à 86 %. Sur les grandes places financières, l’évolution est de même nature. Ainsi, la valeur immatérielle des entreprises cotées est devenue nettement supérieure à leur valeur comptable. Enfin, les normes IAS-IFRS accompagnent ce mouvement en reconnaissant un nombre important d’actifs incorporels et la nécessité de les mesurer précisément.
Mais avons-nous les bons instruments de mesure ? Des méthodes existent mais un important travail de recherche et de standardisation s’impose.
C’est pour répondre à ce besoin qu'Ernst & Young, SAS France, INPI, Mar-Tech & Finance et leurs partenaires ont créé L’Observatoire de l’Immatériel™.
L’ouverture du site Internet www.observatoire-immateriel.com en est la première initiative. Ce portail offre aux entreprises européennes les informations, méthodes et outils qui leur permettront d’étudier et de valoriser leurs actifs immatériels. Il est structuré autour de 8 actifs immatériels principaux, 34 critères et 151 indicateurs de mesure.
Il s’adresse aux entreprises de toutes tailles et tous secteurs ainsi qu’aux institutions et administrations.
Rédigé par : Nicolas Padberg | 23/01/2007 à 15:57