Paris. Place de la Concorde. Les statues de femmes représentant les effigies de huit villes de France sont disposées régulièrement aux coins de l'octogone. Elles sont toutes orientées vers le centre de la place. Les odalisques regardent et se prosternent vers l'obélisque : allégorie de l'ordre et du triomphe de l'homme sur la femme. C'est ce qu'on appelle le classicisme à la française.
Il est une autre ville qui abrite une place tout aussi somptueuse. C'est Rome et sa fameuse Piazza Navona. Et comme toujours entre ces deux villes, les similitudes sautent aux yeux de prime abord pour mieux révéler des oppositions dirimantes.
Côté similitudes, donc, sur le terre-plein central de chaque place, il y a un obélisque et autour de lui une fontaine. Imaginez-vous maintenant au milieu de cet espace. Dans les deux cas, vous pouvez voir en face de vous une église. C'est la Madeleine à Paris (parfaitement dans l'axe) et Sant'Agnese in Agone à Rome (en léger décrochement). La première se tient en retrait derrière la place. Elle est lointaine et ne ressemble même pas à une église. Certes, l'harmonie est là, aveuglante, mais muette. En revanche, Sant'Agnese enceint la place, la domine de sa présence. Elle en est l'un de ses plus beaux ornements. Sa position et sa proximité par rapport à l'obélisque et à la fontaine des Quatre-Fleuves laissent entrevoir un écheveau d'intentions, la possibilité d'un dialogue par pierres interposées entre les deux architectes de génie à l'origine de cette mise en scène : Gianlorenzo Bernini et Francesco Borromini.
Vous tournez maintenant doucement autour de la fontaine du Bernin. Vous ne pouvez rester indifférente à la posture étrange du Rio de la Plata. Vous vous arrêtez. Votre regard glisse sur la courbure du bras, sur ce visage tourmenté tourné vers le ciel. Vous en suivez la projection. Vous voilà maintenant en train d'observer la ligne de faîte de la façade de... Sant'Agnese.
Et là, surprise. A l'endroit que semble indiquer la main aux doigts étonamment disjoints, il y a une statue de femme. Cette femme est seule, dans une position d'attente. Rien dans l'harmonie de la construction ne justifie sa présence à cet endroit. Elle est tout simplement décalée, incongrue presque.
Intriguée, vous tentez de suivre son regard ; il semble plonger vers le sud. Ostensiblement, elle ignore la fontaine des Quatre-Fleuves, elle dédaigne le Rio de la Plata dont le bras la désigne, dont le regard la supplie.
Quel dialogue se noue entre ces deux êtres de pierre ?
Je suis par avance curieux de savoir ce que votre imagination vous aura révélé. Merci de bien vouloir rédiger un commentaire... quand bien même il serait lapidaire. ;-)
Dans l'attente du plaisir de vous lire.
Le pape Innocent X décide d'aménager la piazza Navona. Un duel commença entre deux architecte le Bernin qui fit la fontaine et Borromini qui fit l'eglise. Les deux architectes se sont "combattus" par l'intermédiaire de leurs oeuvres. Le Bernin sculpte les statues du Nil et du Rio de la Plata mains levées en direction de l'église pour se protéger d'une façade si mal construite qu'elle était prête à s'écrouler. En réponse, Borromini, installe sur le toit de l'église, la statue d'une jeune femme qui tourne la tête afin de ne pas voir une fontaine aussi laide...
Rédigé par : Gwy | 26/10/2006 à 16:21
Hummm.... Je reste perplexe sur votre explication. D'après mes sources, le Bernin aurait achevé la Fontaine des 4 Fleuves en 1651. Par ailleurs, la reconstruction de Sant'Agnese aurait débuté en 1652 -- soit 1 an après -- et aurait été initialement confiée à Girolamo et Carlo Rainaldi. Borromini, le grand rival, ne serait intervenu qu'à partir de l'année suivante (1653) et ce jusqu'en 1657. Comment le Rio de la Plata pouvait-il se prémunir contre la chute d'une façade qui n'avait pas encore été rebâtie ?
Rédigé par : Jean-Marc | 26/10/2006 à 22:48
Je suis entièrement d'accord avec Gwy. La fontaine du Bernin a été construite avant la fameuse statue de Borromini. Il est donc impossible que que l'allégorie du Rio de la Plata se cache derrière son bras afin de ne pas voir la statue de Borromini. En revanche, ce bras qui semble vouloir protéger le visage de la statue du Bernin peut très bien vouloir se protéger de la façade de l'église prête à s'écrouler. Mais elle fut restaurée un an plus tard par Borromini.
Enfin, les pseudo-rivalités entre le Bernin et Borromini ont peut être été inventées. Les deux sculpteurs étaient certes rivaux (quel artiste n'aurait pas peur de se faire piquer la place par un autre ?!) mais rien n'indique qu'ils se détestaient réellement.
Rédigé par : Réglisse | 03/05/2011 à 20:45
Hum... Après réflexion...
On sait que Borromini a restauré la façade de l'église un an après la construction de la fontaine des 4 fleuves. Borromini a forcément fait des plans avant mais n'a commencé les travaux qu'en 1652. Il est fort possible que le Bernin ait été au courant de ce projet et l'ait devancé en sculptant l'allégorie du Rio de la Plata se cachant le visage de dégout.
D'une manière ou d'une autre, nous ne saurons jamais la vérité à moins de retrouver un journal ou un carnet de bord tenu par l'un ou l'autre des deux artistes !!! Mais c'est vrai que les histoires comme celles-là sont propices aux commérages !
Rédigé par : Réglisse | 03/05/2011 à 20:53
Ma source principale sur la rivalité entre Gianlorenzo Bernini et Francesco Borromini est un ouvrage qui s'appelle "The Genius in the Design". Son auteur, Jake Morrissey décrit comment de cette rivalité rivalité sont nées ces oeuvres d'exception que sont Sant'Agnese in Agone, la fontaine des quatre fleuves, San Carlino alle Quattre Fontane, Sant'Andrea al Quirinale... J'en passe.
Il décrit aussi comment, Gianlorenzo Bernini aussi appellé Le Bernin est sorti grand vainqueur de cette confrontation de titans. Pourtant, avec 4 siècles de recul, nombreux sont les architectes modernes qui reconnaissent à Borromini un talent supérieur, une plus grande capacité d'innovation.
Histoire à suivre donc...
Rédigé par : Jean-Marc à Réglisse | 03/05/2011 à 23:47
Le Pape Innocent X a confié un projet de fontaine pour la place Navone à l'Algarde puis à Borromini, mais aucun ne lui a plu. Il a finalement fait appel au Bernin qui a proposé une iconographie plus complexe et surtout un monument à la gloire du Pape et de la religion catholique. Donc effectivement, il y a du y avoir une rivalité entre ces deux artistes.
Je tiens également à vous remercier pour votre photo du Rio de la Plata, j'en avais besoin pour mes cours !
Rédigé par : Estelle | 14/12/2011 à 10:12
Estelle,
Merci pour votre passage sur cette tribune.
Et bien heureux que vous ayez aimé la statue du Rio de la Plata. J'adore l'expression d'effroi. Serait-il inquiet de voir la façade s'écrouler ?
Tenez-moi au courant de l'avancée de vos cours. Et de la place que Le Bernin ou Borromini viennent y jouer.
Au plaisir de vous lire, donc.
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc à Estelle | 14/12/2011 à 14:17