A travers le Panthéon, Paris et Rome s'adonnent par monuments interposés à leur petit jeu de cache-cache où les similitudes apparentes sont là pour mieux dissimuler l'immensité des différences. Certes, le nom et la fonction sont identiques. Bien sûr, l'architecte Soufflot s'inspira du Panthéon romain pour édifier la nouvelle église Sainte-Geneviève : pronaos imposant, 32 colonnes... Dans les deux cas, vous avez affaire à des nécropoles, servant de dernière demeure aux grands hommes : Raphaël d'un côté des Alpes, Voltaire de l'autre. Et j'en passe.
Alors, où sont les différences ? Il en est une qui saute aux yeux. La forme. Vous avez une croix grecque à Paris, une rotonde à Rome.
Mais par dessus tout, j'aimerais vous faire part d'une différence sensorielle, ou plus exactement une différence de degré dans le malaise que j'ai ressenti au seuil de ces deux édifices imposants.
A Rome, je n'ai pas osé entrer dans l'édifice tant mon malaise était puissant. Trois éléments distincts y concouraient : la lumière, l'air et l'espace. La lumière d'abord, avec cet oculus immense au sommet de la voûte, comme un puits d'où le solaire pénètre violemment l'obsurité, déchire l'hymen caché. Contrairement aux jeux subtils du clair-obscur, vous êtes là en présence d'une juxtaposition brutale des contraires. La luminosité la plus crue vient frapper les parois de la rotonde ; elle y dessine une ellipse de clarté vive, laissant le reste de l'édifice dans une obscurité quasi-totale.
Il y a l'air aussi. Quand vous êtes sur le seuil du Panthéon romain, vous vous trouvez en plein courant d'air. Cela est d'autant plus surprenant qu'à chaque fois où j'ai pu en faire l'expérience, l'atmosphère ambiante était caractérisée par une absence totale de souffle d'air. J'appris par la suite que c'était le résultat d'un phénomène physique appelé effet Venturi : l'oculus, source de lumière est aussi source de chaleur. Il en résulte un différentiel de pression donnant naissance à un courant d'air local puissant. L'espace enfin, parfaitement circulaire, sans la moindre aspérité, sans le moindre recoin où se faire oublier. Un espace rond comme un sein de matrone, où rien ne sera pardonné, où la culpabilité devra être bue jusqu'à la lie sous l'oeil du divin. Le puits de lumière, le souffle d'air violent à l'entrée et l'espace à découvert se conjuguent pour procurer une sensation de fragilité, de faiblesse par rapport à la force vitale des éléments.
A l'inverse, à Paris, lorsqu'ils décidèrent de laïciser l'église le 4 avril 1791 pour transformer l'édifice en sanctuaire des grands hommes de la nation, la première chose que firent les révolutionnaires fut de condamner les sources de lumières. Désormais, quand vous pénétrez dans le temple, vous êtes comme aspirés dans la moiteur d'un monde souterrain. A l'absence de lumière répond une odeur douceâtre de moisissure. L'ambiance est délétère, un rien insalubre. D'aucuns diraient stercoraire. L'espace entier sent la mort.
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