Avant qu'elle ne devienne Naples, les Grecs l'avaient appelée Parthénope, du nom de la sirène. Qui dit sirène, dit chant. Tout est bien cohérent puisque, comme le veut le célèbre dicton, "si on produit à Turin et on consomme à Milan, à Naples, on chante". La cité-sirène est envoûtante, exigeante. On ne la quitte pas sans devenir son débiteur. Erri De Luca vient de consacrer un livre sur ce thème du retour difficile voire impossible dans la cité de son enfance, autour des ruelles de Montedidio [1]. Le livre s'appelle "Napolide". Dans le suffixe -ide, j'entends l'éloignement de la mère, que par un jeu de transmutation original, on retrouve dans apatride. Et puis, je l'entends dans tous ces adjectifs qui racontent à leur manière la grande cité vautrée sur son golfe : placide, candide, languide, livide, putride, flaccide, humide, torride, avide. Procida n'est qu'à quelques brasses du rivage ; le volcan est là qui trucide. Les feux de l'amour (am-mor' [2] en napolitain) et ceux de la mort. Face à face morbide. Suicide.
Mais Naples, c'est aussi l'imprévu qui s'abat sans crier gare. Aux inquiets que la réputation de cité interlope assombrirait, voilà une répartie qui se prête bien à l'esprit du lieu :
"Qui, ti può capitare di tutto. Anche la felicità."
"Ici, tout peut t'arriver. Y compris le bonheur."
Et comme ici tout commence et finit en chanson, je vous invite à écouter Pino Daniele, un autre enfant du pays. Annarè.
E lascia pazzià
pecchè 'e criature songo 'e Dio
finchè 'a vita 'nce abbasta
e nun resta cchiù masto
a dì ca è sempe overo
Annarè Annarè
'sta freva addà passà
pe' chi ha cagnato sempe lietto
pe' chi nun trova pace
e s'accuntenta 'e luce
capille janche e sera
Annarè Annarè
tre juorne ca cammino
senza putè parlà
e intanto votta 'ncuorpo
pecchè nun se po' fà
e curre curre forte
pe' nun te fà piglià
e a nuje ce resta 'o tuorto
'e chesta libbertà
paura 'e se tuccà
pe' nun sentì 'a stessa voce
'a notte è di chi aspetta
'e chi te tocca 'o pietto
e s'annasconne 'o bbene
Annarè Annarè.
__
[1] Dans La Repubblica du 16 novembre 2006 : "(...) oggi posso tornare a Ischia, a Mantova, a Capri, ma a Napoli non posso tornare, ci posso solo andare, sono un napolide, la città ha ragione e non perdona il distacco." ("Aujourd'hui, je peux retourner à Ischia, à Mantoue, à Capri, mais pas à Naples. A Naples, je peux seulement y aller. Je suis un "Napolide", un napolitain de passage. La ville a raison : elle ne pardonne pas l'éloignement, le détachement." - Traduction livre de votre serviteur). L'article complet est sur le site de Nathalie Bouyssès consacré à l'écrivain : ici.
[2] J'ai eu la chance de rencontrer Erri De Luca au mois de décembre lors de la sortie concomitante de 4 de ses livres en français. Il est plus cabotin que la lecture de ses livres ne le suggère de prime abord. Selon lui, le nombre de consonnes d'un mot en dit long sur la valeur de son signifié dans une culture. Ainsi, l'italien met un "n" à "onore", là où le français en met 2 à "honneur". Quant au napolitain, il est loin de se satisfaire du seul "m" du mot "amore" en italien. Il se sert de l'accent tonique pour rebondir sur ce "m", en prolonger le son jusqu'au doublement, quitte à oublier le "e" final. Après tout, l'amour, ça se fait à deux et ce sont les préliminaires qui comptent le plus, non ?
PS : Une demande et un cadeau en guise de post scriptum. La demande d'abord : quelqu'un saurait-il traduire en français ou en italien les paroles de la chanson de Pino Daniele ? Si oui, merci de le partager en commentaire au présent billet. Le cadeau maintenant : un accès direct sur un superbe inventaire de photos de Musa Disoccupata sur Flickr. Musa disoccupata : la "muse oisive". Plus napolitain que ça, tu meurs !
Merci pour ces jolies paroles en italien ;-) même si je ne comprends pas ... j'adore ;-)
J'en profite pour te souhaiter une très jolie et heureuse année 2007 !
bises
Rédigé par : Léna | 11/01/2007 à 14:02
j'aime bien me ballader sur votre blog et je reviendrai car il est tard ! j'aime bien la région niçoise même si elle est trop construite vers la cote , j'y ai fait mes études et j'ai de bons souvenirs
Rédigé par : aloredelam | 24/01/2007 à 23:11