Je viens de lire coup sur coup deux articles relatant le parcours de créateurs d'entreprises exceptionnel(le)s.
Le premier est de la main même d'Anita Roddick, la fondatrice de "The Body Shop", entreprise de produits de beauté récemment entrée dans le giron du groupe L'Oréal. Il fut publié initialement dans l'édition du 15 novembre 2006 du Financial Times.
Le second provient lui du numéro du 4 février courant d'USA Today. Il était consacré à Philip Rosedale, fondateur de Second Life, l'univers virtuel sur lequel je me suis déjà ouvert dans ce blog (c'est ici).
Vous ne pouvez pas imaginer personnalités plus différentes. Anita Roddick incarne la femme déterminée, entreprenante, ne ménageant pas ses efforts. Philip Rosedale, lui, est la représentation parfaite du "doux rêveur".
Pourtant, ces deux entrepreneurs ont en partage deux traits importants :
- l'enfance comme terreau sur lequel s'est construit leur destin d'entrepreneur
- une capacité hors du commun à mettre en cause le statu quo, à vouloir changer le monde
Dans son enfance, Anita se rappelle que le pub de ses parents, immigrés italiens dans le sud-est de l'Angleterre, était le premier à ouvrir et le dernier à fermer. Elle en a conçu une éthique du travail et de l'effort, mais surtout, elle a identifié la nécessité, se faisant, de se différencier, de sortir du lot.
Philip Rosendale se rappelle lui que petit, avant de s'endormir, sa maman venait lui raconter des histoires compliquées, qui lui faisaient entrevoir des univers imaginaires avec autant d'acuité que s'ils étaient réels.
Anita Roddick estime que les qualités d'un entrepreneur sont à rechercher loin des bancs des écoles de commerce. Alors que ces écoles enseignent selon elle l'art froid de maintenir le statu quo à coups de tableur, elle conseille de regarder le monde avec indignation et gourmandise. Le titre de son article à valeur de programme : "Don't get a business degree, get angry". En français, cela donne quelque chose comme "Ne vous souciez pas d'obtenir un diplôme, laissez parler votre indignation."
Dans le corps de l'article, Anita énonce aussi ses 10 principes clés pour l'entrepreneur :
1. Savoir raconter une histoire (pour faire rêver, pour sortir du réel)
2. Favoriser la créativité (ce qui suppose des structures ouvertes à la critique, à l'éclosion d'idées)
3. Etre à l'affût (avoir ses sens en éveil pour repérer l'inattendu et en induire une utilisation possible dans son contexte professionnel)
4. Evaluer l'entreprise à l'aune du plaisir (Lord Charles Williams, anciennement dirigeant d'une banque d'affaires londonienne ne disait-il pas : 'Si quelqu'un me disait : "Je vous offre un job sans intérêt, mais je vous paie 3 millions de livres par an," je répondrais "Non merci." ')
5. Etre différent, mais sans susciter la défiance
6. Avoir la passion des idées (avec cette phrase magnifique : "Lorsque l'accumulation d'argent tarit ses idées et la colère qui en était le moteur, le chef d'entreprise cesse d'être un entrepreneur" (2))
7. Entretenir sa capacité d'indignation (L'indignation incite à l'action, la rage à la concrétisation)
8. Tirer parti de la composant féminine (pour sortir du modèle militaire et hiérachique)
9. Croire en son intuition (en son grain de folie)
10. Se connaître soi-même (pour savoir où son grain de folie doit céder la place à la raison)
De son côté, Philip Rosendale a tiré des histoires de sa maman l'amour de la lecture et de la science-fiction en particulier. Il fut fasciné par Snow Crash de Neal Stephenson dont l'intrigue se situe entre deux mondes : le réel et un espace virtuel appelé Métaverse. Après avoir reposé le livre, Philip se souvint des dessins d'arbres montant vers le ciel qu'il avait conçus sur son MacIntosh à l'adolescence. Il imagina que l'utilisation de l'informatique devait permettre de donner une vie au concept de métaverse. Second Life était né.
Raconter ou écouter des histoires pour réinventer le monde...
Le monde de demain se construit aujourd'hui dans les yeux de nos enfants et dans les mots que les mamans glissent dans leurs oreilles avant qu'ils ne s'endorment. Pourvu que ces mots soient beaux et porteurs d'amour...
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(1) La citation originale est : 'If somebody said to me, "Look, I'll offer you a lousy job, but you'll get paid £3 million a year," I'd say, "Thank you very much, no." ' Elle est tirée de l'ouvrage intitulé Tactics d'Edward de Bono.
(2) La phrase originale est : "When accumulating money drives out the ideas and the anger behind them, you are no longer an entrepreneur."
je suis ravie ... je sors du blog de MO pour découvrir le votre grâce à un commentaire.... blog qui va bien sûr mille fois plus m'intéresser même si au demeurant j'adore MO... mais bon sur les diatribes sur les élections... on va dire que j'en rigole...
NG
Rédigé par : Nathalie | 18/02/2007 à 21:27
Merci de nous faire découvrir ces personnalités. Je me demande si Philip Rosedale est aussi dépendant de son invention que bien des internautes. Sa première vie semble en tous cas vraiment passionnante.
Rédigé par : sandrette | 21/02/2007 à 11:52
Je suis une grande fan d'Anita Roddick. Quand je commence à vouter mes épaules sous le poids des contraintes et des contrariétés, mon nez vient alors se coller à un post-it que j'ai collé devant mon clavier avec ses 10 commandements.
J'ai hâte de découvrir philip Rosedale. J'aime beaucoup votre démarche.
Rédigé par : Fanny Grangier | 23/02/2007 à 18:02
Bonjour!
Je me rappelle que vous aviez posté un commentaire sur mon blog à l'époque, et je vois qu'il est toujours dans vos liens.
Pour information, la nouvelle adresse de mon blog est:
http://improviser.fr/blog/
Cordialement, et à très bientot.
Ian
Rédigé par : Ian | 16/09/2007 à 21:49
Voici le billet qui m'a amené sur ce blog; le décès d'Anita Roddick m'a même fait sortir de ma léthargie blogosphèrique; je ne sais pas si chacun réalise à quel point cette femme a pu être une pionnière à son époque; elle devrait en inspirer beaucoup; je crois également que la colère comme les obstacles à surmonter constituent de vrais moteurs car entreprendre est loin d'être un long fleuve tranquille mais, au fond n'est-ce pas les défis que l'on s'impose qui rendent l'univers de l'entreprise grisant?
Rédigé par : N | 17/09/2007 à 18:54