Est-ce pure coïncidence ? C'est au moment où Kepler révèle au monde que la révolution des planètes autour du soleil ne suit pas le tracé du cercle mais celui d'une ellipse, que les architectes du baroque italien donnent à cette figure ses lettres de noblesse et la font entrer en majesté dans la construction des églises.
Jusque là, le monde était régi par des lois simples à l'entendement. La Terre était le centre de l'univers : géocentrisme. L'Homme était au centre de la Création : égocentrisme. L'ordre était parfait, comme celui d'une croix grecque (le tau).
Mais avec Nicolas Copernic et ses émules, c'est le Soleil qui est au centre du dispositif : avec la reconnaissance progressive de l'héliocentrisme, la Terre devient planète. Elle était point focal de toutes les attentions. Désormais, elle tourne autour du soleil, son étoile. Elle était reine, elle est reléguée au rang de courtisane. Voilà bien une révolution qui en annonçait d'autres plus terre à terre et plus sanglantes.
La Terre doit quitter le centre. C'est une chose entendue. Au moins, peut-on se raccrocher à l'assurance du mouvement régulier des corps célestes, selon des trajectoires circulaires, parfaites. A la fixité de la Terre correspondait le déplacement circulaire des corps célestes. Au temps d'Aristote et de Ptolémée, on savait encore garder ses distances. C'était le triomphe du pi.
Mais là aussi, il faudra déchanter : avec Képler, les corps ne glissent pas sur des cercles parfaits, ils évoluent selon des trajectoires elliptiques !
Changement de perspective donc : le point fixe n'est pas au premier plan, il est au fond de la toile. Altération du mouvement, aussi : le cercle subit des déformations, fraye avec l'imparfait. Il avait un centre, il aura un double foyer. Pliure de l'espace, nouvelle anamorphose.
Est-ce cette transformation qu'il faut lire dans le plan de San Carlo alle Quattro Fontane, le chef d'oeuvre de Francesco Borromini ? C'est bien en tout cas l'idée originale et séduisante de Severo Sarduy dans "Barroco".
Dans un billet précédent, je m'étais étonné de la similitude de tracé entre la fractale de Koch et le plan de Sant'Ivo alla Sapienza. Désormais, il s'agirait plutôt d'une accointance entre le mouvement des astres et le plan d'une autre église de Borromini. Sidérant, non ?
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