A la fin du siècle dernier, quand on voulait indiquer la nouveauté, on se contentait de prendre l'adjectif "nouveau" et on l'accolait tranquillement au substantif qui allait bien. C'est comme ça que nous avons vu naître la "nouvelle droite" (morte précocement), la "nouvelle économie" (d'une vigueur insolente à la fin des années 90, déclarée morte cliniquement après l'éclatement de la bulle spéculative autour des valeurs internet en 2001, puis renée de ses cendres en toute discrétion mais avec une vigueur étonnante), les "nouveaux riches" et j'en passe. De nos jours, l'adjectif "nouveau" n'a pas bonne presse. Il ne viendrait à personne l'idée de l'employer ; il sent trop le réchauffé, le rémugle. Mais comme il faut bien nommer ce qui est authentiquement neuf, eh bien on ruse. Internet est mort ? Soit, disons que c'est la version 1.0 qui est au cimetière, remplacée par son successeur naturel, la version 2.0. Le 2.0 envahit sereinement l'espace pour désigner la nouveauté et il sera d'autant plus facilement accepté que le domaine auquel il s'applique est proche du monde des hautes technologies.
Justement pour ne parler que de l'internet 2.0, il m'a été donné jeudi dernier d'assister à une soirée organisée par la société blueKiwi pour fêter la conclusion favorable d'une levée de fonds de 4 millions d'euros afin de financer son développement et notamment son démarrage à l'international. La société blueKiwi est emblématique de web 2.0 puisqu'elle permet à des dirigeants d'entreprise de favoriser l'émergence de communautés d'intérêt et de stimuler les logiques d'échange et de partage "égo-altruistes" au sein de leurs organisations en tirant parti de solutions techniques à base de blogs et de wikis.
Il y avait du beau monde présent. Beaucoup de personnes tout à fait à l'aise dans le monde de l'IM (messagerie instantanée façon MSN) ou du twitter (système de communication instantanée communautaire et multi-support). L'ambiance était détendue, les discussions étaient animées et les échanges de cartes de visite allaient bon train.
Mais quand je suis rentré chez moi ce soir-là et que j'ai posé sur la table les cartes de visite que j'avais collectées, je fus frappé de constater qu'elles pouvaient être classées en deux tas de taille à peu près identique, mais aux caractéristiques combien différentes. Il y avait d'un côté les cartes traditionnelles - on dirait aujourd'hui 1.0 pour faire bonne mesure.
Il est facile de les reconnaître car la première chose qui saute aux yeux, c'est le logo de la société.
Le nom de la personne est tout petit, lui. Toutes les autres informations caractérisent le lien que cette personne entretient avec son employeur : sa fonction d'une part et les différentes façons de la joindre d'autre part (courriel, téléphonne, etc).
En revanche, ce qui caractérise la carte de visite nouveau genre - 2.0, donc - c'est que l'employeur... a quasiment disparu du paysage. Tout est axé autour de l'individu, dont le nom est deveu lisible et occupe en lettres d'or le centre de l'espace. Les informations immédiatement autour du nom renseignent sur les différentes façons de rentrer en contact avec la personne.
Mais la chose la plus résolument nouvelle, il faut la rechercher dans le bandeau inférieur. Vous y découvrez une série de termes de taille, de police et de couleur différents n'entretenant qu'un lien vague les uns par rapport aux autres. De quoi s'agit-il ? Tout simplement d'une liste de domaines d'excellence ou d'affinités électives caractérisant la personne. C'est là que le porteur de la carte fait mention de sa passion pour la pêche à la mouche ou de son "otaku" pour l'oeuvre de Frida Kahlo.
Eût-il été concevable, il y a encore quelques années de se définir dans une soirée professionnelle autrement que par le nom de son employeur, sa fonction dans la boîte et son statut dans l'arbre hiérarchique ? Voilà un ordre qui est en train de vaciller sans bruit. Le triptyque jadis centré sur l'organisation d'appartenance est en train d'être remplacé discrètement par un autre triptyque centré sur l'individu cette fois : un nom, des domaines de compétence et des goûts personnels.
Aide-toi, redessine ta carte de visite !
Dommage que la Bretagne soit si loin de Paris, on se serait vus à la soirée de BlueKiwi.
Pour autant j'aurais eu l'air malin avec mes cartes 0.0 mais bon ...
bien vu ça donne envie ces cartes 2.0 ...
Rédigé par : Ray Dacteur | 10/07/2007 à 23:33
J'ai aussi écrit un article sur ce sujet il y a quelques temps :)
Rédigé par : Vanina | 25/07/2007 à 12:49