Quand j'ai écrit le billet intitulé "Quelles bonnes questions allez-vous poser aujourd'hui ?" , je ne m'attendais pas à ce qu'il suscite autant de réactions. En effet, outre les commentaires que certains parmi vous ont bien voulu poster, j'ai reçu de-ci de-là de nombreuses remarques.
L'idée principale qui ressort de ces retours tourne autour de la notion d'harmonie. Et de la même façon qu'il est difficile de créer une harmonie d'ensemble entre deux lignes musicales, il est ardu de créer une belle composition entre questions & réponses.
La question est appel & ouverture. Elle est appel, mieux, interpellation. Elle sollicite l'intelligence de l'autre. Elle est ouverture aussi, car elle ne préjuge pas de ce que pourra être la réponse. En ce sens, elle est reconnaissance implicite de la liberté de l'autre, quant à la façon qu'il choisira de formuler sa réponse. Car même la question la plus anodine comme " Combien font 1+1 ? " ouvre un champ de réponses innombrables.
Vous en doutez ? Dites-moi alors quelle réponse dans la liste qui suit ne convient pas :
- 2
- L'humanité, car nous sommes tous nés de l'union d'un homme et d'une femme.
- 3. C'est ce que prétendent régulièrement les dirigeants d'entreprise lorsqu'ils annoncent qu'ils fusionnent avec une autre société. Pour étayer leur propos, ils avancent souvent l'existence de supposées synergies entre les 2 organisations.
- 0,7. Il s'agit là de la réponse que le marché renvoie aux chefs d'entreprise, généralement quelques mois à peine après la fusion soi-disant porteuse de si belles synergies.
- L'éternité, car elle est faite d'un instant suivi d'un autre instant, ad nauseam.
- 1, car l'enfant qui vient de naître est le fruit de la rencontre de deux individus.
- 10, en système binaire
- Toujours 1, car peut-on séparer une chose d'elle-même ?
- ...
En me posant la question " Combien font 1 + 1 ? ", mon interlocuteur me procure un double plaisir. D'abord parce qu'en m'interpellant, il reconnaît ma présence, mon existence. Ensuite, parce qu'en me laissant choisir parmi les innombrables réponses possibles, il aiguillonne mon intelligence.
A moi de jouer maintenant. Sur quel registre ai-je envie de poursuivre la conversation ? J'ai toujours le recours de dire "2". Mais ce faisant, est-ce que je ne cours pas le risque de me montrer trop péremptoire ? Ne vais-je pas figer prématurément cet échange qui s'engageait si bien ? Je crois en effet que j'ai envie de laisser opérer la magie :
- Je pourrais te dire que 1+1 font 2, mais cette réponse ne me satisfait pas, car elle s'apparente trop à une certitude établie.
- (...)
- Et sais-tu ce qu'Edmond Jabès a dit sur la certitude, dans le bien-nommé "Livre des questions" ?
- Non.
- Veux-tu le savoir ?
- Oui.
- La certitude est région de mort ; l'incertitude vallée de vie.
- C'est joli, mais cela ne m'avance pas sur combien font 1+1.
- En réalité, je n'en sais rien. Et toi, as-tu une idée sur la question ?
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(*) La citation est de Maurice Blanchot dans l'Entretien infini.
(**) Ce billet est largement inspiré d'un article de Frédéric Mantel intitulé "A propos du questionnement".
Impossible d’en rester là, cher Jean-Marc, sur ce sujet des questions-réponses qui, dis-tu, a déjà fait réagir beaucoup de tes amis et surtout sur cette notion de « certitude » ou son contraire, accrochée ici à
« combien font 1+1 ? »
Vraiment on ne peut que s'attacher à ce thème choisi!
L’envie m’est alors venue de faire intervenir la notion du temps ; autant dire d’utiliser l’une des grandes richesses de notre langue : la conjugaison.
Si l’on pose les termes ainsi :
« Combien faisaient 1+1 au commencement de l’Univers ? »
« Combien feront 1+1 demain ? »
« Combien feraient 1+1 si…….
« Comme je voudrais que 1+1 fasse 2 ! etc….
La question formulée a pris des ailes.
Tu parlais d’ouverture, le champ des certitudes lourdes et des incertitudes difficiles à supporter vient de s'alléger grace à la perspective de l'univers des possibles. Je me suis évadée du « présent » et il me semble que c'est en posant ainsi la demande, que l'on acquiert de la liberté (sans justifier cette démarche par des Principes Mathématiques que je ne maîtrise pas).
Cette question n’était pas anodine et ce billet non-plus !
Bien à toi, Ghislaine.
Rédigé par : Ghislaine | 08/12/2007 à 11:40
1 et 1 font deux, c'est inéluctable, mais dans certains domaines, on peut rêver parfois que UN et UN ne fassent qu'UN. Le sujet est vaste et oh combien complexe. Je laisse donc à de plus intelligents (ou tout simplement plus érudits) que moi le souci d'élucider ce grand mystère... Mais quel sujet pointilleux... de toute évidence il m'interpelle, mais je reste une grande rêveuse.
Rédigé par : Mystérieuse | 10/12/2007 à 20:33