Selon Gilles Deleuze, ce qui distinguait la droite de la gauche, n'était ni plus ni moins qu'une question de perception de soi dans le monde (voir la vidéo ici). Etre de droite, ce serait partir de soi, ouvrir la porte, considérer ses voisins, puis élargir son angle de vision pour appréhender des ensembles toujours plus vastes : l'immeuble, la rue, le quartier, la ville, la région, le pays, etc. Longue pérégrination semée d'embûches vers l'universel. Etre de gauche serait le cheminement inverse : partir des confins de l'univers, puis restreindre la focale jusqu'à soi.
Jusqu'aux dernières élections présidentielles, je savais intuitivement me positionner par rapport à ce cadre. A l'image de Jaurès, la gauche démocratique était plutôt internationaliste ; à l'inverse, la droite démocratique était plus sensible aux thématiques nationales, voire nationalistes. Fair enough. Sur le plan des valeurs, cette gauche était plutôt libérale (comme l'indique très justement le terme de liberals donné à l'aile gauche des démocrates aux Etats-Unis). En face campait une droite conservatrice, soucieuse de promouvoir les valeurs propices au maintien du statu quo. Même sur le plan économique, cette gauche était d'inspiration plutôt libérale à l'image des thèses développées par un Frédéric Bastiat.
Oui, mais voilà. Les dernières élections m'ont fait perdre tous mes repères. D'un côté, il y avait le candidat de la droite qui citait sans complexe des ténors historiques de la gauche comme Léon Blum ou Jean Jaurès. De l'autre côté, il y avait une candidate de la gauche qui faisait le grand écart entre les factions d'une gauche émiettée et allait jusqu'à donner un tour nationaliste à son programme en faisant l'éloge des petits drapeaux. Quant au libéralisme - et c'est sans doute là l'un des plus grands paradoxes de notre pays - sur les 13 candidats présents au premier tour, je n'en voyais pas un seul - ni à droite, ni à gauche - qui eût présenté un programme d'inspiration clairement libérale !
Résultat : c'est complètement paumé et groggy que je déposai mon bulletin dans l'urne, tant au premier tour qu'au deuxième tour. Dans un cas comme dans l'autre, je gardai un goût amer dans la bouche. Vous savez, un peu comme le lendemain d'une cuite mémorable : les papilles en capilotade, l'oeil dans le vague et les neurones en berne.
L'espoir est revenu récemment après lecture de "Ce grand cadavre à la renverse" de Bernard-Henri Lévy. C'est un peu comme si les mots pour dire mon malaise étaient posés là devant moi. Oui, la gauche était sortie de son lit sans prévenir. Elle avait résolument quitté les rives du libéralisme économique au nom d'un alter-mondialisme on ne peut plus fumeux. Elle s'était disloquée en deux sur la question européenne. Elle avait perdu son souffle humaniste au profit d'un repli électoraliste sur les chimères qui hantent la droite - l'insécurité (trop forte), l'autorité (trop faible), la nationalité (trop diluée), l'identité (trop diffuse), l'immigration (trop nombreuse). Pire, elle pointait du doigt le grand coupable de notre situation présente réputée médiocre, j'ai nommé les Etats-Unis d'Amérique, qui, indépendamment de l'estime qu'on peut porter à son administration actuelle, demeurent, sauf avis contraire, la plus grande démocratie du monde aujourd'hui.
Les Etats-Unis, justement. Alors que la campagne présidentielle vient de démarrer officiellement avec les primaires de l'Iowa, n'est-ce pas le moment de faire le point ? De savoir où diable vous vous situez dans le grand terrain de jeu où ferraillent la droite & la gauche ? Si vous pensez que oui, alors faites le test proposé par Political Compass. Après avoir répondu à un éventail de questions couvrant des domaines aussi variés que l'économie, les valeurs sociales, ou le rôle de l'Etat, vous découvrirez où vous vous positionnez sur l'échelle droite-gauche. Mieux encore, vous pourrez apprécier à quelle type de gauche / droite vous appartenez et quels personnages historiques sont les plus proches de vous.
A vous de jouer !
Avant, j'étais en haut à droite de Ghandi, maintenant, je suis en dessous, et bien à gauche. C'est grave docteur ?
Rédigé par : Nefisa | 05/01/2008 à 00:18
Hum... Si je comprends bien, vous chutez sur l'axe vertical. L'autorité exercerait-elle moins de fascination aujourd'hui qu'hier ? Seriez-vous soudainement sensible aux charmes de la liberté la plus débridée ? Rien de grave dans tout cela. Sauf naturellement, si vous y prenez goût. Car là, oui, assurément, il vous faudra consulter de toute urgence ;-D
Rédigé par : Jean-Marc à Nefisa | 05/01/2008 à 00:43
Oui, si je deviens une anarchiste qui à tout moment peut se mettre à chanter l'Internationale, il est clair que j'apparaîtrais totalement déviante dans une société où le pouvoir d'achat est considéré comme une liberté fondamentale...
(Ca y est, je crois que vous pouvez me conseiller un bon analyste :) )
Rédigé par : Nefisa | 09/01/2008 à 22:07
Intéressant ! Merci pour les liens.
Rédigé par : Sylvie | 09/01/2008 à 23:10