S'il est un sujet classique d'incompréhension avec nos amis italiens, c'est bien celui qui frappe l'idée de simulation. C'est bien connu : que ce soit sur un terrain de football ou dans la rue, l'Italien serait un maître de l'artifice. Trompeur en diable, il nous emberlificoterait avec force gestes, effets de manche, modulations de voix tantôt larmoyantes, tantôt vindicatives.
Cette incompréhension tient à mon sens à un rapport fondamentalement différent au principe de réalité. En France, la réalité semble exister indépendamment de soi. C'est une pâte qui nous est étrangère ; nous la pétrissons de nos désirs et de notre volonté. En Italie, en revanche, la réalité n'a pas d'existence en soi ; elle se crée à chaque instant en fonction de la capacité de chacun d'entre nous à interpréter correctement sa partition.
Il y a quelques jours, je me trouvais à Rome avec femme et enfants. Alors que, accompagné par un couple d'amis romains, nous entrions dans un restaurant calabrais spécialisé dans les cuisines de la mer - il tempio di Iside - la serveuse nous aide à nous installer, puis dépose sur la table une pile de menus. Après avoir parcouru la liste des plats proposés, Gianni, notre ami romain, s'avise que nos voisins sont en train de déguster des mets ne figurant pas au menu. Il s'en émeut auprès de la serveuse.
- C'est curieux... Quand vous êtes entrés, j'ai cru vous entendre parler français. C'est pour ça que je vous ai apporté les menus.
- Mais non ! Nous sommes d'ici et il se trouve que nous sommes accompagnés d'amis qui sont français, eux.
- OK... Autant pour moi... Je vais vous dire alors ce qu'il y a aujourd'hui.
A partir de ce moment-là, la serveuse se lança dans l'énonciation d'une longue litanie de plats aux sonorités mystérieuses. Je ne compris pas grand chose, mais je suis formel sur un point : c'est que pas un plat mentionné par la serveuse ne figurait au menu.
Dans le menu, tout est écrit. Est-ce le réel pour autant ? Non. Il s'agit juste d'une représentation conventionnelle de la réalité. Nous sommes dans le registre de la simulation. Car pour accéder au réel, il faut d'abord s'assurer que nous avons le bon casting. Alors, il sera possible d'oublier l'explicite. Le jeu pourra se déployer avec, comme ici, cachée dans les méandres des sonorités inattendues, un univers de second ordre, fait lui de saveurs exquises.
Et là vient le paradoxe. Je n'ai pas la moindre idée de ce que j'ai mangé, mais une chose est certaine. C'est que je me suis régalé et ce n'est rien de l'écrire !
Quelle délicieuse démonstration que la votre ,si je peux m'exprimer ainsi!
je ne sais si je préfère votre rhétorique ou votre logique.
Quoiqu'il en soit,vous paraissez être un sacré gourmet et gourmand,votre conclusion en est la preuve
Rédigé par : Mystérieuse | 08/03/2008 à 11:11