Lundi dernier autour de 14 heures. Je prends un café en terrasse d'un bar rue Lafayette, pratiquement en face du siège d'Areva. Autour de moi, quelques fumeurs tirent nerveusement sur leurs clopes.
Le ciel est lourd ; la pluie ne devrait pas tarder à se manifester. Alors, prévoyant, je me glisse sous la marquise. Quelques gouttes claquent sur le bitume. Un souffle frais parcourt la rue. Les fumeurs s'égaillent rapidement. La plupart se précipitent à l'intérieur du bar. Seule une jeune femme reste dehors. Mais voilà, il pleut à verse maintenant. A l'affût d'un abri, elle avise la place à ma droite et s'y installe.
La conversation s'engage naturellement. Comme cette phrase sonne faux sous mes doigts, tant le fait d'engager le dialogue avec une inconnue m'a toujours paru au-delà de mes forces. Pourtant, cette fois, je ne sais pas pourquoi, mais ce fut facile. La pluie sans doute, à moins que ce ne soit sa façon bien à elle de me sourire en s'asseyant. J'appellerai cela un heureux concours de circonstances.
Le ton est léger. Nous évoquons la difficulté d'être fumeur aujourd'hui. Elle évoque la noirceur des regards, le bel unanimisme désapprobateur des braves gens. A ce moment, sans crier gare, elle s'emballe. Elle se met à fustiger l'esprit de notre époque, ce souci qu'elle dit excessif de normalisation et d'hygiène. Tu ne fumeras point. Tu ne boiras pas. Tu feras du sport. Tu seras sain. Voilà les nouveaux commandements des temps modernes.
La colère la gagne de plus en plus. Ses jolis yeux noirs fulgurent désormais. Je lui dis mon soulagement à l'entendre, moi l'apprenti vieux con, qui, à l'approche des 50 ans commençe à voir le monde en nuances de gris et tends à perdre le sens de la colorisation. Elle rebondit :
- Non, réplique-t-elle, ce n'est pas une question d'âge !
Au débotté, elle rajoute :
- On ne connaît plus le sens de la séduction.
J'affiche une expression de surprise :
- Comment une jeune femme belle comme vous peut-elle dire ça ?
- Mais oui, s'enflamme-t-elle.
Ses yeux toujours plus noirs commencent à teinter en rose mon coeur en sommeil.
- Maintenant, ce qui compte, rajoute-t-elle, c'est la performance. Il n'y a plus de place pour la séduction.
Puis, sans appel, elle conclut :
- Trop marre de ce pays. Je me marie et je file avec mon homme aux Philippines.
A ce moment, je vois mon rendez-vous se profiler au coin de la rue. Me voyant en charmante compagnie, il esquisse un sourire entendu. Je fais les présentations. M'adressant à la jeune femme :
- Je vous présente Carlos.
- Enchantée.
Puis, je lui tends la main.
- Moi, c'est Jean-Marc.
- Et moi Myriam.
Nouveau coup de coeur. Myriam. Immédiatement me vient à l'esprit l'histoire des 2 lettres mem qui enserrent votre nom. Le premier mem, ouvert comme une conversation inopinée et le gouffre de vos yeux où mon coeur s'est laissé aspirer, et le deuxième à la fin, le mem sofit, qui clôt notre rencontre et décroise nos chemins.
clap, clap, clap....
Rédigé par : Flo | 09/06/2008 à 07:04
Très joli texte et tableau troublant et touchant.
Rédigé par : Sylvie | 01/07/2008 à 16:46