... mais pendant cette même durée, il lira 2.300 pages web et consultera 1.281 profils sur Facebook. C'est l'un des constats les plus frappants qui ressort de cette admirable vidéo réalisée par l'université du Kansas.
Pour moi, le fait que cette vidéo émane d'une université américaine montre à quel point la crise de l'enseignement supérieur est profonde. Contrairement à ce que nos gouvernants veulent nous faire croire, le fait de nous synchroniser (de nous aligner, pour parler franglais) sur ce qui se pratique aux USA ne peut en aucun cas faire figure de panacée.
Car la crise de l'université est profonde. Elle renvoie tant à la chose enseignée qu'à la façon d'enseigner. Notre modèle repose sur des prémisses datant du Moyen-Age, époque depuis laquelle l'enjeu de l'enseignement universitaire à toujours été la transmission d'une denrée rare : le savoir. Depuis la naissance de la première université moderne à Bologne en 1088, l'enseignement supérieur a été codifié autour du principe d'unité de lieu (l'amphi) et d'unité de temps (le cours), où un expert (le professeur) transmet son savoir à un petit nombre d'élus (les étudiants). Ce modèle est cassé aujourd'hui. Désormais, le savoir est aisément accessible en dehors de l'université ; l'unité de lieu est rompue. La présence du professeur pour accéder à ce savoir est devenue facultative ; l'unité de temps est rompue. Car ce qui compte aujourd'hui, c'est plus, une fois que le savoir de base a été localisé, comprendre qui va m'aider à le contextualiser à mes besoins, à mon environnement, à mes désirs, à mes ambitions. En tant qu'étudiant, j'ai toujours besoin d'un professeur, pour m'aider à faire le tri, à filtrer, à contextualiser, à suggérer des passerelles, à me faire accoucher d'idées de mise en application. C'est un nouveau monde qui s'ouvre, un univers fait de connexions multiples avec des individus aux quatre coins du monde, d'interdisciplinarité et de sérendipité.
Bienvenue dans la Re-Renaissance !
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PS : Si vous souhaitez continuer la conversation et que vous n'êtes pas rebuté(e) parl'anglais, je vous invite à vous rendre sur "Digital Ethnography", un blog lancé par l'Université du Kansas pour échanger spécialement sur ce thème.
Et en 365 jours combien de livres lit un Français moyen ?
Un demi ?...
Les femmes de ménage de mon lycée en jetaient à la fin de la dernière année scolaire. Aucun prof ne voulait les récupérer sauf... moi. Proust à la poubelle... je n'ai pas pu supporter cette vision.
Eh, oui ! La lecture n'est pas conseillée aux âmes sensibles...
Mes bisous,
Arthi
Rédigé par : Arthémisia | 23/09/2008 à 07:02
Traiterions-nous les livres comme nous nous traitons nous-mêmes ?
L'une des images les plus fortes que j'aie gardées de Berlin est une large place avec, en son centre, un regard de verre plongeant dans le sous-sol. Pour rompre le dénuement, juste une plaque avec cette citation d'Heinrich Heine : "Das war nur ein Vorspiel. Dort, wo man Bücher verbrennt, verbrennt man am Ende auch Menschen." ( "Ce n'était qu'un prélude. Là où on brûle des livres, on finit par brûler aussi des hommes" - traduction de ton serviteur ). Heine a écrit cela en 1920. Eut-il la prémonition de ce qui se produirait plus d'un siècle plus tard ?
Brûlés hier, mis à la poubelle aujourd'hui... Voilà qui nous donne une image du peu de considération que nous nous octroyons.
Manquerions-nous d'indulgence vis-à-vis de nous-mêmes ?
Je t'embrasse.
Rédigé par : Jean-Marc à Arthémisia | 23/09/2008 à 07:28
J’ai peur qu’alors qu’un certain pouvoir cherchait à museler l’accès au savoir, à la culture et même au plaisir de la lecture, nous ne perdions cet élan vers le savoir, la culture, et le plaisir du verbe au profit d’un gavage passif, non choisi et sans parti pris issu des médias presse-bouton. Un lessivage intellectuel…
Affaire de motivation me diras tu ?
Faut-il une telle adversité pour faire quitter « la Star Ac’ ou Plus belle la vie » par un public servile ?
Je crois que nous ne sommes pas trop sévères avec nous-mêmes mais plutôt très passifs et que nous perdons avec un plaisir réel nos facultés de raisonnement, celles qui fondamentalement font de nous des animaux intelligents.
Je nous crois en pleine régression.
Bises
ARthi
Rédigé par : Arthemisia | 25/09/2008 à 13:29
Humm... Je te trouve bien pessimiste Arthi. Insinuerais-tu que parallèlement à la baisse du pouvoir d'achat il faille aussi compter sur une hausse du pouvoir-déchet ?
Rédigé par : Jean-Marc à Arthémisia | 25/09/2008 à 22:35
Venant de chez ma chère Arthi, je viens de lire l'article et votre échange. Je ne vis pas dans une famille exceptionnelle, cependant nous lisons tous beaucoup, livres ou articles de fond, enfants et petits enfants compris.
Je prête des livres (bons romans) à ma femme de ménage....
Il ne faut pas être aussi radical. Je crois que les étudiants veulent apprendre d'abord par choix et par goût d'une profession (si ce n'est par passion) et que leur but premier est le savoir. Pour cela, ils ont besoin du professeur comme le dit Jean-Marc, presque un guide dans la jungle des connaissances.
Amicalement
Rédigé par : Juliette | 26/09/2008 à 09:53
Je ne fais pas de lien entre le pouvoir d'achat et l'envie de culture...
C'est peut- être même le contraire. Il est d'ailleurs flagrant que c'est dans les couches modestes de la société que se trouvent les plus grands écrans plats.
Etre ou avoir, disait l'autre ? Savoir ou avoir, dis-je ?
Etre actif ou recevoir...?
Rédigé par : Arthémisia | 26/09/2008 à 13:52
Viens dans mon lycée, Juliette, tu comprendras mieux le rapport qu'ont (je te l'accorde) certains jeunes, avec le plaisir de la connaissance.
Bises
Arthi
ps: J.M, désolée d'utiliser ton blog pour un échange avec Juliette!
Rédigé par : Arthémisia | 26/09/2008 à 13:55
Génial !
Ce blog deviendrait-il une tribune d'échanges libre sur le rapport entre la jeunesse et la culture imprimée ?
@ Arthi : je t'invite à faire un film sur le thème. Qui sait ? D'aucuns ont eu une palme d'or en montrant le malaise dans les classes.
@ Juliette : tant que luit encore une étincelle de curiosité dans le regard d'un enfant, l'espoir demeure & avec lui, l'aventure humaine. Car, en son temps, cette curiosité se muera en désir et du désir naîtra un nouvel enfant. Arthi aime à établir un lien entre la jouissance du corps & la création de l'esprit ; je crois qu'il en est un, aussi, avec le process de connaissance qui va de la découverte de choses ignorées à l'assimilation & la mise en application de savoirs nouveaux.
Dans ce domaine, comme sur d'autres, je mise donc, quand même, sur l'appétit !
Amitiés à toutes deux
Rédigé par : Jean-Marc à Juliette & Arthémisia | 26/09/2008 à 20:40
Je suis ces deux personnes, Juliette peintre et (un peu) écrivain, O. poétesse (en toute humilité) et grande amie d'Arthi.
Je sais son métier, donc peut-être a-t-elle une vision plus pragmatique et juste que moi qui vis dans le monde un peu à part des artistes, à la fois créatif et solitaire.
Mais on parle trop de l'echec et du chômage, comme trop des morts sur les routes, trop des accidents, en oubliant les réussites, les conducteurs sages et prudents.
Nous sommes sous influence des médias et du catastrophisme ambiant.
Je suis de celles et ceux qui cherchent toujours la solution pour s'en sortir.
Et j'écris un jour de grande déprime.... sourire
Rédigé par : Juliette ou O. | 27/09/2008 à 18:52
Je vous suis à 100% quand vous écrivez que nous ne laissons pas suffisamment de place aux bonnes nouvelles. Mais, sachez, chère Juliette, que vous n'êtes pas la seule à défendre cette idée. Tenez, à ce sujet, je vous invite à faire un tour sur le blog de Fanny Grangier (http://anosenfants.typepad.fr/). C'est gai, plein de joie de vivre. J'y vais régulièrement pour respirer un bol de bonheur ! Vous m'en direz des nouvelles.
Rédigé par : Jean-Marc à Juliette ou O. | 27/09/2008 à 20:25
Hélas ! l'adresse donnée est "not found"
Amitiés
Rédigé par : Juliette ou O. | 28/09/2008 à 10:02
En effet, Juliette.
Voici la bonne adresse : http://anosenfants.typepad.fr/
Rédigé par : Jean-Marc à Juliette ou O. | 28/09/2008 à 10:27
Juliette, tu le sais, si je ne croyais plus à l'étincelle, j'aurais quitté l'Education nationale depuis longtemps... Eh oui, il m'arrive d'y vivre de véritables miracles...
Exemple de la semaine dernière... classe calme donc je mets un fond musical pendant qu'on travaille... et à la fin du cours une élève vient me voir en me demandant ce que nous avons écouté car .......elle adore. C'était des préludes de Bach par Glenn Gould. Le lendemain, la jeune fille m'amenait un CD pour que je lui fasse une copie... Elle n'est pas belle la vie ?
Et le problème, c'est que chez elle on n'écoute jamais de musique dite "classique" et qu'elle avait un gros a priori. Elle a eu une sorte de révélation, le physique de Glenn Gould y étant aussi pour quelque chose... car on ne peut pas être aussi beau et ringard à la fois !
Bises à toi et à Jean Marc.
Arthi
Rédigé par : Arthémisia | 29/09/2008 à 18:31
Malheureusement, si comme Juliette je trouve qu'il faudrait plus souvent insister sur ce qui va bien, je ne peux qu'être d'accord avec Arthémisia. Pour avoir corrigé des dizaines de copies copiées/collées (fautes comprises) d'une célèbre "encyclopédie" en ligne, pour être obligée de traduire ces mêmes copies du langage "SMS" au français, et pour avoir récolté 50 soupirs quand je recommandais la lecture d'un seul chapitre d'un ouvrage, je me trouve moi aussi effarée par les statistiques de votre article, cher Jean-Marc, mais hélas pas vraiment surprise. Au point que 8 livres par an, cela me semble presque surestimé.
Cependant, comme Arthémisia, si je persiste à vouloir enseigner, c'est que je considère que tout n'est pas perdu, et qu'il ne faut pas généraliser, ni perdre confiance.
Je conclurai ce commentaire un peu long en soulignant combien votre blog est vraiment un intéressant lieu de partage.
Rédigé par : Elseneur | 01/10/2008 à 21:15
Vous voilà donc enseignante Elseneur ? Et moi qui vous imaginais tout le temps fourrée à la BNF, faisant je ne sais quelles recherches sur la langue anglaise ou le théâtre à l'époque élisabéthaine... avant de partir pour accoster sur les rives du Saint-Laurent.
Merci pour votre compliment. Pourtant, je me vois contraint de vous le retourner, tant il est vrai que c'est la qualité des commentaires - et des vôtres en particulier - qui rend le partage possible et intéressant. C'est grâce à vos appréciations que le monologue peut se muer en conversation.
A bientôt !
Rédigé par : Jean-Marc à Elseneur | 02/10/2008 à 23:09