Il y a quelques jours, je me suis rendu à Rome pour raisons professionnelles. Comme à l'accoutumée, j'en ai profité pour faire une petite balade nocturne dans les rues du Centro Storico. J'y ai mes repères et mes habitudes : Piazza Navona bien sûr, mais aussi le café Sant' Eustachio d'où je peux admirer le lanternon de Sant'Ivo, ou encore la découverte, après avoir parcouru un dédale de ruelles tortueuses, de la façade de Santa Maria della Pace, tache claire se détachant sur fond de lierres, de murs ocres décrépits et de flamboyantes bougainvillées.
Via della Pace. A chaque fois que je parviens à ce point de ma balade, je goûte un moment de bonheur intense. Je dois m'arrêter. Tout y est. La profusion des couleurs, d'abord. Pour peu qu'il ait plu ou que les services de la voirie aient fait leur tour de nettoyage des rues à grandes eaux, le pavé irrégulier est rutilant et la lumière vacillante des lampadaires vient exploser en mille reflets diffractés. La nonchalance des hommes, ensuite, marchant sans hâte par petits groupes, tout à leur plaisir de déguster une glace en adressant des oeillades aux femmes assises à la terrasse des cafés.
Via della Pace à Rome ; rue de la Paix à Paris. La mise en parallèle s'impose. Et rien à mon sens ne traduit mieux la différence fondamentale entre ces deux villes. Il n'est qu'à voir les plaques :
L'ordre, la sobriété et l'harmonie classique d'un côté...
...le désordre, la profusion et l'imprévu baroque de l'autre.
Copyright (C) 2005, Jan Koster, Haren, Pays-Bas.
Tiens, tiens...
A toulouse - la rue de la Paix est perpendiculaire à la rue Danielle Casanova !
Hahaha... l'Italie et la France paradoxalement mitoyennes !
Rédigé par : Hélène Wolff-Eugene | 25/10/2008 à 12:28
Même par la Corse interposée (http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2007/05/10_mai_1943mort.html), les deux rues n'en demeurent pas moins perpendiculaires... Visions orthogonales donc, absence de parallélisme.
Rédigé par : Jean-Marc à Hélène | 25/10/2008 à 17:35
Carissimo Jean-Marc,
Tu aimes les Renards, tu aimes le Petit Prince (cf. ton précédent billet). Dans ce Texte, il est aussi question d’une caisse où l’on se doit de porter attention à ce qui se trouve à l’intérieur (le mouton endormi).
Le Petit Prince le voit, c’est l’essentiel. M’est venu, en lisant ce nouveau billet où il est question de Santa Maria della Pace à Rome, (est-ce pour trouver une suite cohérente à tes billets) de penser, outre la beauté extérieure architecturale de l’édifice, aux trésors qui se trouvent à l’intérieur et qui font aussi partie de l’ensemble de Santa Maria. Sont venus alors les noms de Raphaël, de Peruzzi, de Sangallo entr’autres, dormant à l’intérieur de l’église et se réveillant dès que les portes s’ouvrent. Tu as de la chance, ta profession te mène à Rome, comme tous les chemins, et t’amène à frôler sans cesse des chefs d’œuvre. A propos de chefs d’œuvre, l’exposition Mantegna au Louvre n’a pas pu avoir le fameux Christ mort, c’est vrai, mais l’œuvre d’un Peintre heureusement ne se limite pas à un tableau fut-il un chef d’œuvre. L’exposition est magnifique. L’émotion est là avec la transparence de la peinture a tempera et les regards des portraits et les détails du Mont des Oliviers. A bientôt, Bien à toi. Ghislaine.
Rédigé par : Ghislaine | 25/10/2008 à 18:01
Carissima Ghislaine,
Ah le mouton du Petit Prince... Pour pasticher Saint Ex, je dirais que sur le plan des idées non plus, ce n'est pas avec les yeux que nous voyons le mieux. Dans une boîte fermée, à peine ventilée par trois gros trous, je sais me représenter le mouton de mes rêves. Ceci m'est guère possible si on m'impose un dessin de mouton... C'est fatal. Il sera toujours trop ceci ou pas assez cela.
Pour revenir à Santa Maria della Pace. Figure-toi que je n'y ai jamais mis les pieds ! Eh oui... Tu as dû remarquer combien les curés romains étaient facétieux lorsqu'il s'agissait d'indiquer les heures d'ouverture des églises. Résultat : j'ai pris le parti de ne pas en tenir compte et d'aller "dovunque i miei passi mi portassero". Alors, bien sûr, dans le lot, il y a de nombreuses portes closes synonymes de déconvenues.
Mais il y a de belles surprises aussi. Comme ce jour où, bravant l'austérité de la façade contre-réforme de Sant'Agostino, je rentre dans l'église et découvre sur la gauche "la Madonna dei Pellegrini" du Caravage. Un délice ! Que dire ensuite quand quelques pas plus loin, sur un des piliers supportant la nef, je découvre la réprésentation du prophète Isaïe de Raphaël...
Et toi, Ghislaine, as-tu pu voir les trésors cachés dans l'enceinte de Santa Maria della Pace ?
Bien à toi
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc à Ghislaine | 26/10/2008 à 00:15
Carissimo Jean-Marc,
Le Hasard et le Temps règnent sur nos voyages, dovunque i nostri passi ci portino… un jour favorable, comme moi, tu pourras pousser cette porte de Santa Maria della Pace et voir toutes ces œuvres réunies ; des quatre Sibylles de Raphaël, au cloître de Bramante. Cela te plaira beaucoup. On n’en a jamais fini avec Rome… On n’en a jamais fini avec l’Art.
Ces temps-ci la tentation est forte de trouver refuge dans ces lieux (comme celui-ci appelé della Pace) auprès de ces œuvres, à l’abri de l’agitation des hommes qui apparaissent ne pas savoir toujours sur quelles valeurs se construire. Aujourd’hui, c’est comme s’il y avait pour vivre, un mode d’emploi qu’on aurait perdu ; alors on en traduit un autre à toute vitesse ; mais ça ne marche toujours pas. On pourrait rester optimiste, s’il n’y avait pas tant de gens, sur tous les continents, victimes, malheureux, abandonnés, en guerre ou sur le carreau. Même si ce n’est pas nouveau, notre époque est exemplaire pour cela.
Je pense aussi que ces artistes que nous admirons tant, travaillaient, alors que leur histoire aussi cruelle avec ses guerres, ses épidémies, ses inégalités, était aussi chaotique que la nôtre et pourtant…ils ont créé des merveilles, que nous pouvons admirer aujour’hui. L’Histoire est peuplée de points d’interrogation.
Il nous reste à cultiver notre tentation, et vivre aussi dans notre actualité que l’on ne peut s’empêcher de chercher toujours à déchiffrer. Je te fais confiance là-dessus, tu es plus doué que moi pour voyager dans les chef-d’œuvres du temps et en revenir conquis mais très apte ensuite pour aborder les problèmes contemporains.
Je me demande aussi pourquoi je te raconte tout cela à propos d’une porte d’église qui ce jour-là n’était pas fermée…
Bien à toi.
Ghislaine.
Rédigé par : Ghislaine | 27/10/2008 à 21:16
Carissima Ghislaine,
Les sibylles comme les portes d'églises sont des passerelles entre le monde d'ici-bas, pris en ce moment dans une frénésie endiablée et cet autre monde, inconnu, mais qui nous habite initimement sans que nous l'ayons jamais entr'aperçu.
Quant à l'attitude à adopter face aux événements récents ? Hum... Je dois dire que j'aime bien la citation de Pierre Desproges au frontispice du blog de Pétronille dans la tourmente (http://petronille-dans-la-tourmente.over-blog.com/):
"Les optimistes pensent que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles ; les pessimistes en sont intimement persuadés."
Quel camp choisis-tu, Ghislaine ?
A bientôt
Bien à toi
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc à Ghislaine | 28/10/2008 à 23:59