En ce moment, c'est Souccot. J'aime beaucoup cette fête juive. Elle dure une semaine et permet de célébrer symboliquement, par la construction et la vie au sein de cabanes à l'extérieur, la longue période de l'exode pendant laquelle le peuple d'Israël n'avait pour toit que la voûte étoilée au-dessus du Sinaï. C'est aussi le moment d'offrir le loulav, un bouquet composé de quatre essences : un cédrat, une palme de dattier, trois rameaux de myrte et deux branches de saule. Nous retrouvons au passage le nombre parfait 28 résultant du produit des 4 "espèces" déclinées en 7 "éléments".
Le coeur devrait donc être à la fête. Pourtant, je suis triste aussi. Depuis maintenant plusieurs semaines, j'observe les tribulations d'un homme à la barbe rousse, qui a élu domicile sur le trottoir au pied de chez moi. A l'aide d'un ensemble hétéroclite de matériaux de récupération, il s'est construit une cabane de fortune à géométrie variable. Chaque jour, sa cabane change d'aspect. Il n'y a qu'une constante : la présence d'une poupée, dont l'homme semble prendre le plus grand soin en dépit de son air on ne peut plus déglingué. Mais voilà. Hier après-midi, il a plu à torrent et le résultat, c'est que ce soir, alors que je rentrais chez moi, je ne trouvai pas la moindre trace de la cabane de fortune et encore moins de l'homme à la poupée. A défaut, l'ensemble des matériaux de "construction" avaient été placés au pied d'une poubelle.
Car une cabane, c'est fragile. Il suffit d'un coup de vent ou de pluie pour qu'elle soit emportée ou défaite. Mais cette fragilité est aussi le propre de notre condition d'être vivant, soumis aux intempéries, mais aussi ingénieux en diable pour nous fondre dans le monde. Le photographe Nicolas Henry a su rendre à merveille cette harmonie poétique de l'homme quand il se fond dans la nature. Et pour toute métaphore de cette alliance éternelle, il a choisi des cabanes, justement.
Une cabane, comme pure métonymie de la vie heureuse.
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