Premier verset de la Bible : Dieu crée les cieux et la terre, le haut et le bas. Naissance de la verticale.
Deuxième verset : la terre était informe et vide, il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme et l'esprit de Dieu se mouvait au dessus des eaux. Surface, espace plan, évocation de l'horizontalité.
Au sixième jour de la Génèse a lieu la création de l'homme.
Et l'homme se mit en marche.
Pour ce faire, il dut projeter son corps dans le vide, se mettre en déséquilibre et lancer son pied en avant pour éviter de tomber. Dans un geste insensé de défi à la verticalité et de refus de la station horizontale, l'homme se met à cheminer. Dans cette mise en mouvement, il invente l'é-motion. L'horizontal devient horizon ; la verticale devient vertige.

Quand Jésus, marchant dans les rues de Jéricho, découvre la présence du petit Zachée juché sur un sycomore, un ficus fatua, un figuier infatué, il lui demande de redescendre. On ne joue pas avec les hauteurs, même avec les meilleures intentions du monde. Car c'est folie de s'essayer aux degrés de la verticalité. Les anges sont bien placés pour le savoir, qui nous envient tant, nous les hommes, dans notre liberté de mouvement aussi sublime que précaire. Et voilà peut-être pourquoi Jésus intime à Zachée l'ordre de descendre de l'arbre pour le conduire à sa maison, afin qu'il y demeure.
Reprise du chemin, donc, et nouvelle alliance avec la diagonale.
Oui mais voilà. La diagonale, c'est aussi la ligne de tous les risques. C'est le domaine de prédilection du fou des échecs ; c'est aussi le bâton de pélerin de l'arcane du mat (le fol) dans le tarot de Marseille.

Le mat marche d'un pas résolu. Et tant pis si le chat cherche à le retenir vers son passé. Que nous dit-elle cette ligne de déplacement ? Elle raconte la perte des repères, d'où naît le risque de déraison. Mais, elle est l'audace, la fléche portée vers le futur, seul lieu d'accomplissement possible de notre destin. A mi-chemin entre la folie (mat, matto en italien) de la verticalité et la mort certaine (matar en espagnol et en portugais, mouth en hébreu, mayite en arabe) assurée dans la complaisance avec l'horizontalité, il nous reste ce fil ténu de la marche, cet espace fin entre orgueil et complaisance, entre démence et humus. Métaphore de notre fragilité en perpétuelle construction-déconstruction, la diagonale est pratique aléatoire de l'art de vivre. Ce n'est sans doute pas un hasard si le voyage du mat qui traverse la trilogie des arcanes de Thierry Carmes comporte une longue série de meurtres mystiques et pervers, une longue odyssée entre la mort et la folie.
Mais la diagonale, c'est aussi un nombre : 45. 45, comme le nombre de degrés entre la station debout et la station couchée. Et 45, c'est aussi comme la valeur de l'homme (adam en hébreu "אדם") au sens de la guématrie classique (1+4+40). Car l'homme, n'est-il pas cette porte, le dalet (ד), point de passage entre le principe de vie (le 1, le aleph, tout là haut) et la surface plane des eaux, la matrice incarnée par le mem (מ) ou (ם).
A moins que la diagonale soit la résultante de cette alliance entre l'enfant à naître (yod-lamed-dalet) d'une valeur de 44, avec le aleph primordial, le 1 absolu, le pilier de la création, dont l'axe diagonal - qui se lit de droite à gauche - n'est pas sans rappeler un homme en marche...
A moins que tout cela ne soit qu'élucubration et que le mystère reste encore entier. Car comment se fier au aleph, la seule lettre parmi les 22 que comporte l'alphabet hébreu à ne pas se prononcer ? Et comment fondre ses pas dans ceux de ce mat, la seule lame parmi les 22 arcanes du tarot à ne pas porter de valeur numérique ?
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