Crédit : Angie Chestnut, dont vous trouverez les magnifiques photos de la Floride sur son site, ici.
Je ne sais pas pourquoi, mais depuis que je passe du temps aux Etats-Unis d'Amérique, j'ai de plus en plus le sentiment d'une société en apesanteur, sans consistance réelle. C'est un étrange paradoxe. Car aux Etats-Unis, tout n'est que vénération du quotidien, obsession du présent, idéalisation du toujours plus beau, toujours plus jeune, toujours plus riche. Ici, l'ancrage à la matière vaut toutes les philosophies du monde et constitue un visa pour l'éternité. Alors, pourquoi ce sentiment d'irréalité ?
Est-ce parce que je vis à à Miami où la vie s'écrit à fleur d'eau et à fleur de peau ? Est-ce parce que, à Miami justement, la mangrove - cette forme improbable de végétation entre ciel, terre et eau - est omniprésente ?
Je ne sais pas.
Mais au moins ai-je trouvé récemment, à la lecture de CosmoZ de Claro, le réconfort de voir que je n'étais pas seul à être saisi par cette bien déroutante sensation. Car pour Claro aussi, l'évidence du "too much" cache quelque chose... Pour lui, elle est l'envers d'un désir inavoué de ne pas grandir, de ne jamais avoir à afronter la vie en adulte.
" Tout est trop grand, trop haut, trop gros ! Les habitants de ce pays veulent rester des nains, des nains de contes de fées ou des bambins attardés, et pour cela ils érigent autour d'eux un décor surdimensionné, ils laissent pousser leurs tours comme si c'étaient des haricots magiques, construisent des voitures grandes comme des suites nuptiales, dorment dans des lits ronds comme des pistes de danse et ne songent qu'à jouer et rire, boire et manger, et parler parler parler, comme si la parole était une pâte indéfiniment étirable, que seul le temps fait cuire et dont ils n'ont qu'à suçoter les miettes en cas de disette." (Cosmoz, Claro, chez Actes Sud - p.118)
Les Etats-Unis, comme une allégorie du trop grand pour faire perdurer l'illusion d'être encore un enfant, et ce à n'importe quel âge ?
Et pourquoi pas? Les Francais font ils vraiment mieux en ce moment et quelle image donnent ils d'eux en ce moment precis? Une nation desunie, sans ancrage reel qui ne sait pas gerer sa mosaique de population ni sa democratie...Quant a l'impression de cour des miracles a Paris lorsqu'on debarque en plein coeur de la ville, on se croit revenu aux temps d'Hugo et de Dickens...
Rédigé par : linasonge | 02/01/2011 à 13:49
Mais je ne cherche pas à comparer ! Et avec la France ??? Quelle idée saugrenue tout de même... Je me contente juste de donner une impression.
Comme c'est curieux : depuis quelques temps, j'observe que le sujet "Etats-Unis" enflamme de plus en plus les coeurs. Et gare à soi si on est pas dans le registre de l'optimisme béat.
Pire, je commence à trouver suspectes ces bouffées d'indignation incessantes dès qu'un commentaire sur les USA ne rentre pas dans la catégorie des éloges inconditionnels.
Cela me rappelle trop la réaction du PCF quand, dans les années 70, des esprits chagrins exprimaient quelque réserve sur le fait que l'URSS fût le pays du paradis sur terre.
Les Soviétiques avaient construit leur propagande sur l'orchestration du mensonge d'Etat. Les Américains et leur "indispensable nation" auraient-ils cédé à une tentation similaire de tromperie généralisée, d'entretien d'une vaste illusion collective ?
Rédigé par : Jean-Marc à Linasonge | 02/01/2011 à 17:07
Trop de neige !
C'est vrai, elle m'arrivait aux genoux, comme tous mes hivers entre 5 et 10 ans (more or less).
Rédigé par : Ema | 04/01/2011 à 06:54
Dans tous les cas vous me donnez très envie de lire CosmoZ que je note tout de suite. :)
Rédigé par : Sylvie | 07/01/2011 à 18:30
«Pire, je commence à trouver suspectes ces bouffées d'indignation»
--> C'est parce que vous n'êtes pas au courant que le dernier 'best-seller' des bobos, n°1 des ventes, s'intitule .. «Indignez-vous» ["Indignez-vous, oui .. mais uniquement dans l'éternelle même direction" est son titre complet ; ben oui, on est en France, quand même ^^]. Bref, tout un programme ! Bientôt il faudra aussi leur écrire un livre pour penser à faire ses ablutions, se laver les dents, etc. La redite du B.A.BA, quoi, mais par procuration.
Finalement, ne ressemblent-ils pas à ce que vous et CosmoZ décrivez de l'Amérique dans ce billet : de grand enfants qui pensent en "incultes" , et non pas des adultes ? [l'inculture étant pour moi le fossé entre savoir et pouvoir] Et peut-être alors est-ce la raison pour laquelle certaines gens n'apprécient pas que vous critiquiez leurs "frères-en-incompétence" aux USA ? ;) (entendons-nous bien : je parle d'incompétence à être adulte, et non pas d'une incompétence technique ou scientifique).
Et puis, songeons-y, les 'communistes' n'étaient-ils pas eux-mêmes des non-adultes qui prétendaient sinon pouvoir du moins "avoir le droit" d'être considéré comme des adultes, malgré qu'ils n'en soient pas ? (au sens où l'adulte est sensé savoir de quoi il parle, regarder les choses en face et prendre ses responsabilités). Donc s'appuyant sur un "relativisme" forcené (exemple : être "en France" = être "Français"), lui-même s'appuyant sur la prétendue revendication d'égalité propre à l'histoire de France (mais une "égalité" vue avec les yeux de non-adultes, donc instable, déséquilibrée).
--> Et, en cela, ils partagent une chose commune avec "les bobos qui s'indignent" et avec ces américains qui vivent dans un déséquilibre entretenu (comme une fuite en avant).
En fait, dans votre billet, vous parlez de MATURITE, non ? Or, de facto, les USA ne sont pas majoritairement un ensemble mature peuplé de gens matures. Au contraire, historiquement, ils sont même nés de l'idée de "bouleversement". De "rupture". Et c'est cette idée originelle , cette "matrice", qu'ils semblent vouloir servir et perpétuer sans fin (un rêve caricatural d'ailleurs alimenté sans fin par chaque nouvelle vague d'immigrants). Et vous, vous en percevez la nature, à la frange, car, en tant que Français, vous avez un paquet de recul sur les choses, et tous les outils pour mener l'analyse.
Cordialement.
(c'était l'introspection du jour ^^)
Rédigé par : Yann C. | 03/02/2011 à 10:48
Bonjour,
J'apprends que vous fréquentez la bible. Je serais heureux d'avoir votre avis sur un passage de l'Exode: 3/14: "ehieh asher ehieh". Quelle traduction en proposez-vous?
Merci.
Cordialement.
Pierre Marchou
Rédigé par : Pierre Marchou | 12/04/2011 à 11:44
Bonjour,
Je fréquente la Bible en amateur et en amant des belles histoires. Sûrement pas en spécialiste.
Alors sur le fameux "eyeh acher eyeh", je vous propose d'écouter la voix d'un spécialiste du Texte, Claude Riveline.
Mais avant de céder la parole à Riveline, je voudrais replacer cette maxime dans son contexte.
Le Très Haut s'est manifesté à Moïse sous la forme d'un buisson ardent. Il tente de le convaincre de sortir les Juifs d'Egypte. Mais Moïse ne l'entend pas de cette oreille. Par cinq fois, il refuse. La négociation est rude. Moïse essaie d'esquiver la mission que l'Eternel entend lui confier en posant des questions, parmi lesquelles cette fameuse question : "Mais si les Juifs me demandent qui m'envoie, que devrai-je leur répondre ?" Sous entendu : "mais qui es-Tu ?"
A partir de maintenant, je me contente de transcrire les propos de Claude Riveline, tirés d'un cours sur le thème "Dieu négociateur" et accessible en cliquant sur le lien suivant :
http://www.akadem.org/sommaire/series/module_6996.php
C'est Riveline qui parle désormais :
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Dieu lui dit : « Eyeh acher eyeh », « Je serai celui qui serai ».
« Ca veut dire quoi, ça » lui dit Moïse.
C’est le Midrash qui complète.
Eh bien ça veut dire : « De même que, bien que créateur de l’univers, je sois très proche d’eux, je m’occupe du malheur des hommes. Dans les malheurs dans lesquels ils sont aujourd’hui je les accompagnerai. Mais je les accompagnerai aussi dans les malheurs à venir.
C’est pas très malin. Mais vous serez encore dans le malheur plus tard, tu penses comme tu vas les encourager à les écouter.
Et Dieu lui a donné raison.
Parce que dans le verset suivant, il dit « Eyeh. Tu diras seulement : « Je serai là ».
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Qu'en dites-vous ?
Bonne journée
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc à Pierre Marchou | 12/04/2011 à 19:39
Merci Jean-Marc. Je viens de prendre connaissance de votre réponse, et vous en remercie sincèrement. La traduction "je serai celui qui serai" m'est précieuse. Certes elle n'est jamais qu'une traduction littérale du verbe "être" à l'inaccompli. Mais ce que j'ai du mal a comprendre, c'est que la pluspart des bibles que je connais ne donnent pas cette version, sauf celle de Chouraki. "Je serai ce que je serai" c'est, en quelque sorte, un Dieu en devenir, un monde en devenir, un homme en devenir. Formidable programme, qui mérite qu'on travaille à y croire!
Merci encore de votre message, Jean-Marc.
Bien cordialement.
Pierre
Rédigé par : Pierre Marchou | 16/04/2011 à 15:56
Cher Pierre,
En complément de nos échanges, je voudrais aussi évoquer le commentaire que fait Marc-Alain Ouaknin sur cette délicate question.
C'est extrait du livre "Bibliothérapie" dans le chapitre intitulé "L'identité narrative". Je cite :
"Ainsi, à la question : "Quel est ton nom ?", Dieu répond : "Je serai ce que je serai" ("Ehyé acher ehyé").
Une perversion métaphysique nous a habitués à traduire : "Je suis celui qui suis." Traduction erronée, qui transforme un futur en présent, la sensibilité au devenir de l'histoire en une simple présence spectatrice de l'éternité."
Je trouve ce commentaire magnifique. C'est pourquoi, j'ai choisi de le partager avec vous.
Bien à vous
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc à Pierre Marchou | 18/04/2011 à 14:12