Dieu sait si j'en ai passé des heures à arpenter le pavé des rues de Rome. Surtout de nuit. J'y ai mêlé mes larmes de chagrin à la rutilance de leur bombage, comme autant de gouttes de pluie éclatant sur le sein d'une madone.
A chacune de mes errances dans le Centro Storico, je découvrais quelque chose de nouveau : le chêne improbable en face du Palazzo Spada, planté au beau milieu de la bien-nommée Piazza della Quercia, la petite église Santa Barbara dei Librai si joliment coincée entre deux immeubles...
A chaque fois, c'était le même scénario qui se produisait : je marchais lentement d'un pas régulier, la tête perdue dans des pensées informes, quand une incongruité s'immiscait dans le flot de mes rêveries paresseuses. Je m'arrêtais alors, revenais un peu sur mes pas pour me fixer sur le lieu d'où l'image avait surgi.
C'est exactement ce qui m'est arrivé aujourd'hui en descendant la rue Saint Claude à partir du boulevard Beaumarchais. Je marchais nonchalant quand une image est venue percuter mon esprit. Je me retournai. Je faisais face à la photo mise en exergue de ce billet, dans la vitrine de la galerie Alain Gutharc.
Je rentrai aussitôt dans la galerie. L'exposition était entièrement consacrée à la photographe Véronique Ellena. Les clichés partageaient tous la même structure : l'Italie, un fond architectural grandiose et en premier plan, comme une incongruïté, une trace imprévue de la présence de l'homme.
Dans ses Antimémoires, André Malraux écrit : "La vérité d'un homme, c'est d'abord ce qu'il cache". Cette citation ne s'applique-t-elle pas aussi aux lieux ? Oui, semble-t-il, si on se réfère au nom que la photographe Véronique Ellena a donné à sa série de photographies d'hommes déchus sur fond de pierres en majesté : Invisibles. Comme ces êtres au corps caché par d'épaisses couvertures s'obstinant à faire battre la pulsation de vie dans l'évidence de lieux saturés de pierres mortes.
Votre manière de raconter est très rêveuse, j'aime beaucoup !
Rédigé par : Romevisite.com | 26/01/2013 à 01:40