Jean Giono avait coutume de dire qu'il y avait deux Provence délimitées par la nationale 7. Celle des plages et des stations balnéaires, au sud, était fréquentée selon lui par des êtes marqués par la "défaite des corps qui ont perdu le goût de vivre parce qu'ils ont perdu la façon" (1). C'est ce que j'appellerais de mon côté, la Provence de la "mondialisation triste", celle où vous pouvez retrouver ce qui se consomme n'importe où, sous un format sans surprise à force d'être standardisé. Le royaume de l'uniforme et du kitch à grande échelle... Sushis, béton, musique d'ambiance, protection solaire et sacs Hello Kitty...
En opposition, Giono vantait les mérites de la Provence des hauts plateaux, sise au nord de la N7. C'est sur ses sentiers qu'il aimait ajuster son pas de grand marcheur au rythme de la montée de sève dans les troncs de chêne, au chatoiement des couleurs sur les massifs de buis ou au souffle du vent caressant les fleurs délicates des saxifrages. C'est dans cette Provence-là que j'étais le week-end dernier et que j'ai pu goûter au plaisir de ce que je désignerai, cette fois, sous le vocable de "mondialisation heureuse".
Dimanche, sur le coup de midi le juste, ma mère et moi avons décidé de quitter le charmant village de Saint-Jeannet, sis à la frontière entre les deux Provence pour nous enfoncer dans l'arrière-pays niçois. Partis à l'improviste, nous nous arrêterions quelques minutes plus tard au pied du vieux village de Carros. Là, gagnés par la faim, nous aviserions le restaurant de "La Forge". La salle serait comble. En revanche, la terrasse, sous le généreux soleil d'avril, vide.
Nous voilà donc installés sur la terrasse. Et c'est là que nous irions jouir d'un véritable festival de couleurs et de saveurs aussi exotiques qu'inattendues. Jugez vous même...
Entrée...
Plat...
Dessert...
La voilà, la mondialisation heureuse. C'est lorsque vous quittez le monde gris de l'uniforme pour trouver, dans un endroit à nul autre pareil, des choses du monde entier mais accommodées de la façon la plus originale qui soit.
Un grand merci à Karine Scuteri pour avoir conçu et réalisé cette grisante polyphonie de saveurs où j'ai pu découvrir tour à tour le goût croquant des graines de nigelle, la saveur douce et délicatement aillée de la fleur de ciboulette (2), le rappel élégant de la sensation du miel procuré par les cubes de papaye enfouis dans la polenta, ou encore, le pétale délicieusement croquant du bégonia (2) se dissolvant dans la bouche sur une note acidulée...
Une expérience digne de celle des fraises de Nemi !
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(1) in "Provence" de Jean Giono - Edition de poche. p. 47-48
(2) Pour ceux et celles d'entre vous qui voudraient introduire des fleurs dans leur cuisine, je vous invite à vous adresser à la maison Marius Auda. C'est ici.
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