Ce matin, j'animais une table ronde sur le thème des enchères inversées pour le compte de la société Synertrade. L'événement regroupait une trentaine de professionnels de la fonction achats et se déroulait à l'hôtel Plaza Athénée, à deux pas de la salle des ventes Drouot-Montaigne. Le cadre était enchanteur, les intervenants passionnants et l'audience de grande qualité.
En quittant l'hôtel, je remarquai un client avec une lourde clef en main. Je me demandai alors pourquoi, dans un hôtel ***** luxe comme le Plaza Athénée, la direction n'avait pas procédé au changement de ces clefs encombrantes au profit de ces petites lamelles de plastique bien connues dotées d'une piste magnétique permettant d'ouvrir les portes. Tout bénef pour les deux parties : faciles à manipuler pour les clients, économiques à souhait pour l'hôtelier.
Qu'est-ce qui pouvait donc justifier pareil anachronisme ?
Je m'avisai qu'il devait y avoir une raison cachée derrière le non-sens apparent. Je me mis dans la peau d'un client du Plaza Athénée, sur le point de quitter l'hôtel pour me balader dans les rues de Paris. Je m'imaginai la poche boursouflée par la clé massive, ressentant gêne et malaise. Une seule envie avant de profiter de l'air de la ville : me débarrasser de l'objet écrasant. Je me vis me diriger vers la réception, tendre ma clé à un steward en livrée, échanger quelques mots avec lui, puis, libéré de tout poids, me glisser dans la porte à tambour en prenant bien soin de ne pas me faire bêtement massacrer le talon.
Je me fis le raisonnement à ce moment que la vocation de cette clef n'était pas uniquement d'ouvrir ou de fermer la porte de ma chambre. Je compris que sa lourdeur était nécessaire, que le fait de la remettre à la réception faisait partie de l'expérience proposée par l'hôtelier.
Je me rendais compte que la remise et le retrait de la clef étaient autant de prétextes pour avoir un échange (si futile fût-il) avec le concierge. Et que le luxe était dans cette accumulation de petites interactions où mon hôte viendrait s'enquérir de mon état, s'assurer de mon niveau de bonheur et, dans le cas contraire, me proposer des moyens de balayer du revers de la manche une mélancolie de bien mauvais aloi.
Je fus alors pris de vertige... Et si la lourdeur de la clef était la condition nécessaire à la légèreté des échanges et à l'ouverture du domaine du commerce à l'ensemble de ses acceptions ?
Quelques instants, je possède cette clef. Et j'ai dans ma poche cet impossible qui m'appartient.
Rédigé par : Fanny - anosenfants | 15/07/2012 à 12:08
Voilà une vision très poétique sur l'imaginaire que nous construisons autour des clés... Et gageons que plus la clé sera lourde, plus le rêve se fera léger et vaporeux.
Rédigé par : Jean-Marc à Fanny | 15/07/2012 à 12:16