L'autre soir, alors que sur le coup de minuit nous rentrions en taxi d'une soirée chez des amis dans le XVIIIè arrondissement de Paris, je fus frappé de découvrir un visage de la ville qui m'était encore inconnu.
Etait-ce parce qu'il faisait nuit ? Ou parce que le chauffeur du taxi avait choisi un itinéraire auquel je n'étais guère accoutumé ? Etait-ce à cause de la chaleur qui vient de prendre ses quartiers d'été après une longue - très longue - saison hivernale à peine troublée par quelques bien rares journées printannières ? Etait-ce parce que c'est Ramadan et que les corps fatigués par le jeûne se détendent à la tombée de la nuit ?
Toujours est-il que je fus surpris de constater combien il y avait de monde dans la rue, combien la population était bigarrée - noirs, indiens, pakistanais, maghrébins. Rue Riquet, au niveau de la station de métro Marx Dormoy, l'ambiance était même à la fête. Groupes d'hommes discutant, négligemment assis sur le capot des voitures, princesses noires de la nuit aux oeillades aguicheuses et tarifées, enfants galopant sur la chaussée comme si nous étions en plein jour, tout respirait la vie, le bonheur simple d'être là, ensemble. Les trottoirs étaient investis d'une belle humanité chatoyante et bigarrée.
Cela m'a rappelé un passage du très beau livre "Tu verras" de Nicolas Fargues. Passant par les mêmes endroits entre le XVIIIème et le XIXème, le héros s'étonne de la texture inhabituelle des lieux ; il évoque une autre façon qu'ont les gens d'occuper l'espace. "On ne passait pas seulement sur le trottoir, on s'y installait."
Voilà bien ce que j'aime dans cette ville : le caractère anamorphique de son espace. Selon le quartier, l'heure, ou tout simplement votre disposition d'esprit, elle vous apparaîtra sous mille visages différents.
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