Quand je descends dans
le midi voir ma maman, j’ai coutume de faire une halte gastronomique à la Cave
de Tourrettes, un balcon en surplomb sur la Méditerranée combinant les plaisirs
d’un bar à vins et d’une table gourmande.
L’ambiance y est détendue et la promiscuité du lieu invite à échanger avec les autres commensaux. Aussi, samedi dernier, je me mis à échanger avec mes voisins de tablée. Il s’agissait d’une famille de Suédois : père, mère et fille, dont j’appris rapidement qu’ils étaient installés au village de Tourrettes-sur-Loup – la Constantine provençale – depuis un peu plus de deux ans.
Au fil de notre échange, j’apprends que le père vient de monter sa boîte comme producteur de musique de films et que la mère, elle, vient de reprendre une échoppe dans la Grand Rue du village, proposant des cafés et des thés des quatre coins du monde.
Alors que je m’enquiers de la santé de son activité, elle sourit sur les aléas de la morte saison. Quand je lui demande si ce n’est pas trop difficile de se retrouver dans un petit village du sud de la France après avoir vécu dans les grandes métropoles du nord de l’Europe, elle me dit « Oh non ! » en souriant.
Elle me raconte que depuis son arrivée au village, elle a appris à rythmer sa vie au son des cloches de l’horloge. « Le rapport au temps est si délicieux, ici », me dit-elle. Toujours tout sourire, elle ajoute : « les heures pleines sonnent deux fois, à deux minutes d’intervalle. Cette double sonnerie, c’est une indulgence, pour ceux qui n’auraient prêté attention que trop tardivement au premier carillon. Pour les autres, c’est une invitation à ne pas se hâter, à ne pas céder à la pression du temps disséqué, un rappel de notre liberté d’être humain. »
En quittant le bar, je jette un dernier regard à la tour de l’horloge illuminée dans la nuit. Je me demande alors si le bégaiement de ses cloches au moment d’indiquer l’heure pétante, si ce balbutiement volontaire, cette permission à nous attarder n’était pas la marque d’une haute civilisation.
Commentaires