Cet été, j'ai eu la joie de passer une semaine à Rome. La fois précédente, cela avait été il y a 5 ans, à l'automne 2009. Et cette fois-ci, comme à l'accoutumée, j'ai été ravi. J'ai eu la joie de revoir mon ami Gianni B. et une bande de joyeux lurons avec qui j'ai travaillé dans les années 90. J'ai à nouveau fait de la bicyclette sur les bords du Tibre, dégusté des granités (grattachecca) aux parfums les plus divers, me suis étourdi à la vue des trompe l'oeil prodigieux d'Andrea Pozzo à l'église Saint Ignace de Loyola ou à l'église du Gesù, étanché ma soif à un délicieux Frascati via Sistina ou encore dégusté le meilleur tiramisu de Rome (donc d'Italie, donc du monde) au restaurant Velavevodetto, place des Quirites.
Mais au-delà de tous ces plaisirs princiers accumulés, j'ai découvert pour la première fois la fameuse chapelle Sixitine. Et là, j'ai connu l'effet d'une bombe à retardement. Au moment où je me suis retrouvé dans la chapelle, entouré de quelques milliers de touristes comme moi, parlant des dizaines de langues, j'ai éprouvé une forte sensation d'étouffement et je n'avais qu'une envie : fuir ! Cette sensation était si forte que ne parvenais pas à distinguer quoi que ce soit de digne d'intérêt. Emporté par la foule et pris d'agoraphobie, ma vue se brouilla devant la profusion des oeuvres. Mon esprit devint confus et mes jambes s'alourdirent de paresse. Si je n'avais pas auparavant vu des dizaines de fois des reproductions du doigt de Dieu ou du péché originel, j'aurais pu m'exclamer à l'unisson avec Daniel Arasse : "On n'y voit rien". Ce n'est que quelques jours plus tard que, de façon inopinée, les représentations mentales de ce que j'avais entr'aperçu dans la chapelle me sont apparues avec acuité, comme autant de questions brutales :
1. Michelange est-il le préfigurateur du baroque ?
2. Pourquoi ai-je vu des serpents partout ?
3. Quelle histoire se cache derrière ce panégyrique du christianisme ?
4. Que signifient tous ces clins d'oeil adressés par Michelange au gré de ses fresques merveilleuses ?
5. Pourquoi les personnages a priori les plus insignifiants - les ignudi - surpassent-ils tant en beauté toutes les autres figures représentées dans la chapelle ?
Ces questions m'ont travaillé tout l'été. Et même quand je me baladais sous d'autres tropiques, dans les rues de Carthagène des Indes, elles m'obsédaient, lancinantes et obsédantes comme un ululement de chouette dans la forêt.
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