En lisant un article intitulé "Le Religieux et le politique" dans un récent numéro de Charlie Hebdo, j'ai découvert une magnifique histoire de Nasr Eddin (Gloire à Dieu) Hodja tirée de ses Sublimes paroles et idioties. Je vous la livre incontinent :
Nasr Eddin vient, encore jeune, d'accéder à la dignité de mollah, et il peut désormais être instructeur à la medersa. Un matin, voulant atteindre un livre placé un peu haut dans la bibliothèque, il monte sur une pile de corans. Un de ses collègues s'en scandalise :
- Par Allah, Nasr Eddin! Tu es bien impudent. Ne crains-tu donc pas de souiller les Écritures sacrées ?
- C'est une chose dont j'avais peur auparavant, répond Nasr Eddin, mais maintenant que je suis mollah, c'est au Coran d'avoir peur de moi.
C'est un fait que quand des humains - aussi faibles et faillibles soient-ils - se sentent investis de la mission de défendre Dieu, le tout puissant, on assiste à une trahison absolue du divin. D'un coup d'un seul, les dévots deviennent impies, les cagots tombent les masques, les fous de Dieu s'arrogent le pouvoir de celui qu'ils disent vénérer, le faible prend la place de l'omnipotent et l'annihile ainsi en foulant à ses pieds Ses attributs les plus sains. Le pieux se fait impie, le croyant mécréant ; le sens est renversé.
Comme l'énonce si justement Raphaël Enthoven dans un récent article de la revue Philosophie Magazine, "Allah est-il si petit qu'il ait besoin d'un coup de main ? L'intolérance des assassins prouve leur monstrueuse immodestie et leur impiété".
Devant ce renversement des valeurs où ceux qui se réclament de Dieu nient l'existence de Celui qu'ils disent adorer à travers les actes qu'ils commettent, je ne peux m'empêcher de penser à cette époque d'un islam lumineux où un Djalal-Ed-Din (majesté de la religion) Rumi pouvait écrire sans être inquiété :
« Viens au Jardin les jours de printemps,
Il y aura des bougies, du vin, des belles aux joues vermeil.
Si tu n'y es pas, que faire de tout cela ;
Si tu t'y trouves, à quoi bon tout cela ? »
Hélas, il semblerait que ces appels à glorifier Dieu à travers la beauté et les bienfaits de sa création aient cédé la place à une vision bien plus sombre. Comme si, en reprenant les propos du poète fondateur du soufisme, le monde basculait vers l'idée selon laquelle il importerait désormais de...
"Renoncer à toute chose qui vient de la raison. A présent est venu le temps de la folie."
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