L'histoire est bien connue. Pour justifier ses actes odieux, Harry Lime joué par Orson Welles dans Le Troisième homme a cette formule restée célèbre : « En Italie, pendant trente ans sous les Borgia, ils ont eu guerre, terreur, meurtres et massacres mais cette période a produit Michel-Ange, Léonard de Vinci et la Renaissance. En Suisse, ils ont eu cinq cent ans d'amour fraternel, de démocratie et de paix et qu'ont-ils produit ? Le coucou ! »
Les Suisses, qui ont en partage avec les Belges le sens de l'humour décalé, n'ont pas manqué de faire remarquer que cette citation était erronée puisque le coucou n'avait pas été inventé dans leur beau pays, mais dans la voisine Bavière. Une façon bien amusante de faire accroire l'idée selon laquelle il ne se passe décidément rien en Suisse.
Pourtant, cet après-midi, alors que je jouissais sur les bords du lac Léman, à quelques kilomètres à peine du centre de Lausanne, d'une pause lors de l'animation d'un atelier de formation à la méthodologie de vente CustomerCentric Selling(R) je me retrouvai soudain planté devant un étrange panneau de circulation : " Priorité Navette Autonome ".
Comme dans un jeu de piste, je remarquai plus loin, sur le bitume, une inscription mentionnant "Driverless Shuttle", dont la traduction littérale serait "navette sans conducteur".
De plus en plus intrigué, je me mis à rechercher d'autres signes témoignant de la présence de cette navette et me retrouvai soudain face à une drôle de machine pavoisée de dizaines de logos et portant le doux nom de EZ10 ou de EasyMile.
L'étrange objet se déplaçait sans intervention humaine puisque la silhouette que je pouvais distinguer derrière les vitres fumées semblait affairée à tout autre chose qu'à le diriger. Le véhicule s'arrêta juste devant moi, les portes s'ouvrirent et là, un jeune homme au visage radieux me proposa de faire un tour dans sa navette du futur.
Intrigué, je montai dans le véhicule. Jean - c'est le prénom du jeune homme - m'expliqua que la navette était un prototype de minibus sans conducteur, programmé pour se déplacer de façon autonome sur des trajets prédéfinis. Le véhicule est équipé de plusieurs caméras à infra-rouge pour capter les données caractérisant l'environnement, ainsi que de logiciels spécialisés pour interpréter ces données et, le cas échéant, envoyer des alertes pouvant aller jusqu'à la mise en arrêt immédiat de la navette dans l'hypothèse où un obstacle imprévu aurait été identifié sur le parcours.
Pas de rail : la navette se déplace sur roues. Elle s'arrêta aussitôt après que les caméras eurent détecté la présence d'un jogger croisant un peu trop près. Une fois le jogger éloigné, la machine redémarra en douceur et atteignit sa vitesse de pointe de... 20km/h. Jean m'indiqua en passant que cette vitesse était le maximum autorisé par la loi helvétique ou vaudoise, je ne sais plus. Le point qui m'amusa est que les pouvoirs publics aient pris suffisamment au sérieux l'arrivée de ce prototype sur les bords du lac Léman pour amender la loi.
Au bout de 10 minutes de balade dans la voiture autonome, me voilà revenu au point de départ. Entre-temps, Jean m'aura expliqué qu'il était étudiant à l'EPFL, partenaire dans le développement du logiciel de contrôle du véhicule, aux côtés de sociétés comme Ligier ou Robosoft, que le prototype était le fruit d'une initiative appelée CityMobil2, financée par l'Europe à hauteur d'une quinzaine de millions d'euros.
Je sortis de là voiture enchanté en me disant que, décidément, la Suisse était un pays qui réservait bien des surprises. Jean descendit avec moi et une collègue de l'EPFL, Sophie, prit la relève dans l'analyse du comportement du prototype. Alors que je prenais congé de Sophie et Jean, je me dis que décidément, les gens d'ici prenaient un malin plaisir à confondre les idées préconçues et autres stéréotypes que les étrangers ne manquaient jamais de développer à leur endroit.
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PS - Pour celles et ceux d'entre vous qui seraient désireux d'en savoir plus sur cette navette du futur, je vous invite à cliquer sur le lien qui suit, ici.
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