L'anglais a trois mots pour dire le voyage : journey, qui sous-tend la durée, voyage qui indique la voie, le chemin et travel, qui évoque la peine comme dans travail, mot dont l'origine romaine tripalium rappelle le supplice. Trois formes de déplacement donc : dans l'espace (voyage), dans le temps (journey) et dans les tréfonds de son âme (travel).
Le grec ancien a quatre mots pour désigner la mer : hē háls (eau salée) qui évoque la substance, tò pélagos qui raconte l'étendue, le large, ho póntos (le passage au sens abstrait) qui nous dit le danger, l'expérience, l'aventure et le terme générique hē thálassa, de connotation neutre et à origine inconnue. Quatre mots pour dire nos périples marins où se confondent l'expérience du goût amer, de l'étendue sans limite et du danger sans cesse renouvelé.
L'hébreu a cinq termes pour parler de la vie : nefesh, le corps animé soumis aux lois du dépérissement et de la disparition, ruah, le souffle qui transporte l'émotion, neshama, la raison, haya, qui désigne l'âme spirituelle et yehida, qui correspond au degré le plus élevé d'accomplissement, quand notre vie se fond avec celle de l'éternel, dans l'essence divine. Cinq mots pour dire l'élévation dans l'arbre de la vie, de l'expérience de la chair vers celle de l'effacement dans la conscience de l'univers.
Trois, quatre, cinq... Cela sonne comme une comptine que j'aurais pu raconter à un enfant projetant son étonnement à la face du monde.
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