À 45 ans révolus, quand on est doté de talents plus que modestes dans les activités physiques, l’apprentissage d’un nouveau sport est source d’anxiété. Une voix intérieure nous demande – pernicieuse petite voix – si c’est bien raisonnable, si on ne serait pas mieux affalé dans un canapé moelleux, en train de feuilleter un bon roman.
Mais bon… Là, c’était spécial. J’avais seriné les enfants toute la semaine sur le week-end que nous passerions à Caen et sur notre découverte d’un nouveau sport : le jorkyball®. Alors, il ne s’agissait pas de mollir en présence des rejetons. Bien au contraire : il me fallait assumer pleinement mon rôle de père « qui assure ».
Arrivés sur les lieux, après le tour du propriétaire et le premier moment de surprise devant le côté cosy du club – je ne sais pas pourquoi, je m’attendais à un hangar sombre et un rien tristounet – les enfants s’empressent d’investir un cours. De mon côté, je continue à tailler des bavettes avec d’anciennes connaissances et collègues de travail d’une autre vie.
De temps en temps, je jette un œil du côté des garçons. Déjà une demi-heure qu’ils jouent et ils courent comme des dératés derrière la petite balle jaune. Je ne manque pas de constater qu’ils ont fait des progrès très nets par rapport au tout début. Ils seraient presque à l’aise désormais. Je n’y tiens plus et me précipite dans le cours pour les rejoindre. En 2 minutes, ils m’expliquent les règles, et c’est parti ! En moins de temps qu’il le faut pour dire « bonjour », je prends un but. C’était un tir sur la paroi latérale de plexiglas dont le rebond m’a trompé. OK. J’ai compris. Il faut se servir des murs, aussi. Les enfants sont bien contents du tour qu’ils viennent de me faire. Rira bien qui rira le dernier. Il est dit qu’on ne m’y reprendra plus.
La partie continue, endiablée .Je me surprends en train de tester des combinaisons improbables. Un vrai gamin. Dans ma fougue, j’en oublie la règle qui veut que le défenseur ne puisse pas s’engager au-delà de la ligne centrale. Je me prends penalty sur penalty. Histoire de pas me faire attraper trop souvent, je décrète que je serai attaquant. Pourtant, au bout d’une dizaine de minutes à attaquer, il me faut bien me résoudre à revenir défendre. On a beau dire, même si le terrain est petit (10 mètres sur 5), on se dépense furieusement !
Au bout d’une heure de jeu, j’estime avoir compris deux trois trucs particuliers de ce jeu : il importe d’être vif, d’anticiper et de ne pas trop faire de fioritures techniques. A ce moment là, alors que nos deux équipes sont à égalité – enfin, c’est ce que nous croyons, car cela fait belle lurette que nous ne comptons plus sérieusement le nombre de buts – Julien qui joue contre moi, balance un tir en hauteur qui vient percuter le filet au-dessus du cours avant de retomber directement dans le but. Malgré mes 1m 87, et bien que le but ne fasse pas plus de 1m de haut, je viens de me faire lober ! Rires des enfants qui viennent de me jouer un tour pendable !
Voilà… Ils ont gagné et sortent du cours, fiers comme des fantassins servant dans les tercios de l’armée de Philippe II (l’un de leurs héros préférés est le capitaine Diego Alatriste, personnage de roman d’Arturo Pérez-Reverte). Quant à moi, j’ai goûté 1 heure de plaisir intense… Comme quoi, même à 45 ans, sans prédisposition particulière pour le sport et avec une condition physique que je qualifierais de médiocre, je peux encore prendre un plaisir intense à taper dans un ballon.
Contrairement à nombre d’autres sports, jouer au jorkyball® procure du plaisir dès le début : il ne faut pas plus d’une dizaine de minutes pour assimiler les règles et s’amuser. Le seuil à partir duquel vous éprouvez du plaisir est beaucoup plus bas que pour bien des sports.
C’est aussi un jeu varié : comme vous êtes à 2 contre 2, le nombre de combinaisons possibles est élevé, sans compter le côté facétieux qu’il peut y avoir à se servir des parois et du filet du haut pour mener à bien ses actions. Enfin, comme vous êtes tout le temps en action et qu’il y a très peu de temps morts, ce jeu a l’extraordinaire propriété de vous aider à mettre au rebut tous les tracas que vous pouviez avoir au moment de rentrer sur le cours.
A vrai dire, je n’ai pas été le seul à éprouver ce plaisir, puisque le lendemain, alors que nous roulions vers Paris, le petit de 6 ans me demandait quand nous allions revenir jouer au jorkyball® à Caen…
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