J'ai travaillé récemment avec l'associé d'un fonds d'investissement spécialisé dans le financement de jeunes sociétés de technologie, les fameuses start-ups ou jeunes pousses.
Son objectif était de disposer de la visibilité la plus précise possible sur la façon dont les sociétés de son portefeuille utilisaient les capitaux investis, et notamment la façon dont cela se traduisait en termes de développement commercial.
Il me disait que, la plupart du temps, il n'avait d'autre recours que de faire confiance à la version des faits donnée par les représentants du management de la société financée. En conséquence et pour peu que le réalisé de chiffre d'affaires ne soit pas en ligne avec les prévisions préalablement annoncées par le management, il pouvait se trouver confronté prématurément au pire dilemme de la profession : devoir décider dans l'urgence de la nécessité de renflouer ou non une société aux prises avec une trésorerie dégradée.
Il me confia que, lors des réunions du board et plus particulièrement au moment où sont abordés les thèmes commerciaux, il désirait pouvoir confronter les allégations du management des sociétés de son portefeuille avec un référentiel permettant d'apprécier la maturité des opportunités en portefeuille. Il considérait également que ce référentiel devait être articulé autour de la façon dont les clients prenaient des décisions d'achat. Pour lui, un processus de vente centré sur une série d'activités réalisées par le vendeur -- par exemple : faire une présentation / une démonstration / qualifier les interlocuteurs / émettre une proposition -- ne donnait qu'une pâle idée de la santé du portefeuille d'affaires en cours car il ne prenait pas en compte de l'avis du client. Pire, selon lui, cette erreur de conception était à la source d'un fléau trop commun : l'excès d'optimisme dans l'énoncé des prévisions, aussi appelé forecast.
Sur ce dernier thème en particulier -- la validation des prévisions --, il souhaitait demander au top management quelles opportunités rentraient dans la composition du forecast et pouvoir vérifier, pour chacune des affaires répertoriées, si leur présence était légitimée par leur jalon et l'existence et des critères de qualification correspondants.
Il me révéla aussi, que grâce à cette faculté, il pourrait apporter un regard plus critique sur la santé financière de ses participations, notamment en termes de gestion de trésorerie. Il pourrait éviter d’être pris par surprise lorsque, suite à une dégradation subite de la trésorerie, il serait acculé à prendre en toute hâte une décision quant à l’opportunité de procéder ou non à une augmentation de capital.
J'ai aidé cet associé du fonds d'investissement et le top management d'une société de son portefeuille à formaliser la séquence de jalons décrivant l'expérience 'idéale' d'acquisition des produits & services en jeu. Après la formalisation du processus de vente de la société, les personnes concernées par sa mise en place et son exploitation ont été formées. Quelques jours à peine à l'issue de la formation, les affaires en cours avaient été converties à l'aune des jalons du nouveau processus de vente. Lors de la réunion suivante du board, au mois de septembre, le management s'adossa sur la nouvelle classification des affaires en cours pour avancer une prévision de chiffre reposant sur la clôture de 5 affaires bien précises d'ici la fin de l'année civile.
Au 31 décembre de l'année en question, les cinq affaires avaient été conclues favorablement, pour un montant de près d'un million d'euros. Selon l'associé de la société d'investissement, c'était la première fois que la direction commerciale de la jeune pousse réalisait son forecast.
A travers la mise en place du nouveau processus de vente et l'amélioration induite de la fiabilité des prévisions, la confiance entre investisseurs et managers s'accrut. De l'avis de toutes les parties, cela rendit plus facile la conduite des conversations relatives à la concrétisation d'un nouveau tour de table portant sur une augmentation de capital de plusieurs millions d'euros.
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