Lorsque je rencontre des directeurs généraux d’entreprises de technologies se plaignant d’un trop faible niveau de performance, j’entends souvent de leur part les propos suivants :
- Diagnostic de la situation présente : c’est un problème de casting – "Si la performance laisse à désirer à ce jour avec ce gap de 5 millions, c’est parce que je n’ai pas les commerciaux qu’il faut."
- Solution conceptuelle : revoir le casting en éliminant les ‘mauvais’ et en les remplaçant par des ‘bons’ – "En remplaçant 5 personnes qui ne rapportent rien aujourd’hui par cinq ténors de la vente qui génèrent 1 million par tête de pipe, le manque à gagner est comblé."
- Solution de mise en œuvre : faire appel à un cabinet de chasseur de têtes et leur demander de dégoter des ‘bons’ – "…c’est-à-dire, des gens qui génèrent aujourd’hui plus de 1 million de chiffre d’affaires dans des environnements connexes au nôtre."
Or il se trouve qu’au fil des missions que j’ai pu faire depuis plusieurs années, mes observations m’ont conduit à des résultats souvent différents. Dans bien des situations, j’ai pu observer que le changement des comportements d’achat de technologie, très sensible au passage du millénaire, a rendu singulièrement obsolète un ensemble de pratiques commerciales et mis en évidence la difficulté de la force de vente, faute de compétences appropriées, à faire face au nouveau contexte. A cette nouvelle donne – mêmes produits, même environnement concurrentiel, mêmes clients, mais changement de la démarche d’acquisition de biens & services de technologie allant dans le sens d’une plus grande professionnalisation – il importait de revoir la démarche de vente de fond en comble, de redessiner souvent le processus de vente pour refléter les modifications des logiques d’achat et, systématiquement, mettre à niveau les compétences de l’équipe commerciale à cette aune.
De façon générale, pour reprendre le format exposé plus haut cela donnait quelque chose comme :
- Diagnostic de la situation présente : c’est un problème de compétences – "Si la performance laisse à désirer à ce jour avec ce gap de 5 millions, ne serait-ce pas parce que telle ou telle compétence clé, indispensable à l’atteinte des objectifs, est sous-développée au sein de la force de vente."
- Solution conceptuelle : identifier la ou les compétences à développer en priorité – "Qu’en serait-il si, lorsque se manifeste un déficit de performance par rapport aux objectifs, il était possible d’identifier à l’aune aussi bien de réalisations probantes ou d’échecs éloquents, la nature des conversations, des tactiques ou modes opératoires les plus porteurs, de les codifier tant en termes de processus que de contenu, puis de partager ces pratiques à l’échelle de l’ensemble de l’équipe commerciale ?"
- Solution de mise en œuvre : développer les compétences lacunaires – "En mettant l’accent sur le développement des compétences lacunaires dans le cadre d’un programme allant du design des outils de ‘messaging’, de la formation à l’utilisation desdits outils et à un entraînement régulier autour de la pratique des conversations y afférentes, n’est-il pas raisonnable d’attendre une augmentation moyenne de xx% par commercial, soit Y millions en global ?"
Je me suis longtemps demandé pourquoi il y avait une différence aussi importante dans l’analyse de la situation, manifeste dès l’exposé du diagnostic.
Or il se trouve que je suis tombé récemment sur un article résumant les travaux de Carol Dweck, professeur de psychologie à l’université américaine de Stanford, sur les facteurs les plus déterminants à l’origine du succès (ou de l’échec). Et là, surprise. Selon Carol Dweck, ce n’est pas tant le talent de la personne qui détermine sa propension à réussir (ou à échouer) ; c’est avant tout son système de croyance autour de l’idée de réussite (ou d’échec) . Ainsi, une personne dotée d’une vision déterministe du monde ( "tout se joue à la naissance, on est doué ou on ne l’est pas" ) aura plus de difficulté à progresser qu’une personne dont le système de croyance fait la part belle au libre-arbitre, à la volonté. La première sera orientée vers l’exploitation de ce qu’elle est pour atteindre un certain niveau de ‘performance’ ; la deuxième cherchera à développer les facultés indispensables à l’atteinte de ladite performance. La première est animée par un état d’esprit statique de sa place dans le monde et l’organisation, la deuxième a une vision dynamique quant au rôle qu’elle peut y jouer.
Appliqué au monde de la vente, cela se traduit par deux schémas comportementaux bien différents :
Dans une vision déterministe du monde ("on est commercial ou on ne l’est pas, il faut avoir ça dans le sang"), il y a peu d’espace pour progresser puisque l’individu va ‘reproduire’ des séquences correspondant à la mise en valeur d’un talent qu’il considère immuable. Comme l’illustre le schéma ci-dessous, ce profil de commercial est peu enclin à prendre des risques ; il ira de préférence là où il peut briller à moindre frais. C’est un adepte du cherry-picking, souvent un faiseur de coups sans lendemain. Recherche relation durable, s’abstenir ! Tant que l’environnement dans lequel il évolue est en syntonie avec son faisceau de compétences, il réussira. En revanche, il est très fragile à tout changement de contexte et toute remise en cause, si infime soit-elle, lui est insupportable.
En revanche, dans une vision volontariste du monde (" Vendeur est un métier. Comme tout métier, il s’apprend. Il évolue aussi avec le temps au fil de l’évolution des comportements d’achats. A charge pour nous de nous adapter en permanence, d’entretenir et de développer nos compétences pour rester dans le coup. "), on observe une dynamique d’adaptation permanente. Nous sommes dans la cybernétique de la performance, vue comme résultante d’un savoir-faire en constant développement et non comme sanction d’un état de nature.
Dans ses travaux portant essentiellement sur des enfants en âge scolaire, Carol Dweck met l’accent sur le rôle déterminant des parents, éducateurs et professeurs selon qu’ils véhiculent un système de croyance déterministe / élitiste ou volontariste, faisant la part belle à l’effort .
Sans surprise, les enfants pris en charge par les seconds obtiennent de meilleurs résultats sur la durée. Un parallèle peut-il être fait avec la pratique du management commercial ?
le Docteur Bach (père des fameux elixirs de fleurs) disait: "avant de vous occupez des sympômes de vos patients, occupez-vous de leur vision du monde" Croyances, croyances...je suis convaincue qu'elles sont déterminantes, au sens propre.
:-)
isabelle
Rédigé par : Isabelle | 27/03/2007 à 18:18
si je comprends cet article les protestants sont meilleurs vendeurs que les catholiques, et les agnostiques sont meilleurs vendeurs que les catholiques.
bon site, et bonne continuation.
Rédigé par : un passant | 18/05/2009 à 21:58