L'été dernier, j'ai été sollicité par le directeur général d'une start-up internet qui venait de lancer sur le marché une offre logicielle particulièrement innovante. La proposition de valeur associée à cette offre : aider les sites de commerce en ligne (e-commerce) à accroître la valeur du panier moyen d'achat et le taux de conversion à travers la fourniture de recommandations fondées sur la façon dont l'internaute se déplace sur le site et ce que cela révèle de ses appétences. Les bénéfices liés à l'utilisation de ce type de facultés sont multiples. Pour l'internaute, il s'agit du plaisir de se voir proposer des offres pertinentes car correspondant à son profil de navigation. Pour le site e-commerce, il s'agit d'un moyen de monétiser les articles de fond de catalogue, popularisés par Chris Anderson sous l'expression de "longue traîne" ("long tail" en anglais).
La requête de ce directeur général était relativement classique : comment développer et accélérer le processus d'acquisition des premiers clients ? Dans ce domaine, beaucoup avait déjà été entrepris. Pour faciliter le deploiement opérationnel de cette nouvelle offre, une attention toute particulière avait été portée aux conditions de mise en oeuvre, par simple téléchargement de widgets. Par ailleurs, dans l'esprit de promouvoir cette nouvelle offre, la société proposait un modèle de tarification extrêmement attractif : gratuité du droit de licence d'utilisation du logiciel et rémunération ex post proportionnelle à l'augmentation de chiffre d'affaires client résultant de l'utilisation dudit logiciel.
Malgré ces efforts, le démarrage commercial marquait le pas. Après plusieurs mois de prospection, la société ne comptait que 6 clients signés.
J'ai alors interrogé mon interlocuteur sur la nature du processus de vente en vigueur. Je voulais comprendre comment l'entreprise s'y prenait pour promouvoir son offre sur le marché : clients ciblés, fonction des interlocuteurs privilégiés, contenu des conversations, etc.
Or, à l'analyse il s'avérait qu'un même schéma se répétait avec constance :
- les interlocuteurs "métier" du site de e-commerce visualisaient les bénéfices qu'ils pouvaient tirer de l'utilisation du logiciel : augmentation du nombre de pages vues, amélioration du taux de conversion -% du nombre d'internautes passant des transactions d'achat sur le nombre total d'internautes- et accroissement de la valeur du panier moyen d'achat,
- les interlocuteurs "financiers" n'avaient pas de mal à valider le volet justification économique compte tenu des conditions exceptionnelles offertes.
Les personnes sollicitées donnaient alors le feu vert pour procédér à l'acquisition du logiciel. Les coordonnées de l'interlocuteur technique étaient fournies et un entretien était planifié pour traiter le volet mise en oeuvre. Pourtant, à partir de ce moment, l'éditeur avait les pires difficultés à matérialiser ledit entretien. Le temps s'écoulait sans que rien de concret ne se produise. Le projet démarré dans l'enthousiasme des bénéficiaires s'étiolait faute d'obtention de l'implication des équipes techniques.
Pour lever le hiatus constaté, le processus de vente fut l'objet d'un reengineering. Le contenu des converstions fut revisité pour intégrer notamment le volet validation technique avant la prise de décision d'achat. La séquence des entretiens de vente fut modifiée pour faciliter la création de consensus tout en respectant la psychologie des acteurs impliqués.
Quatre mois après mise en oeuvre du nouveau processus, le nombre de clients nouveaux était passé de 6 à 39, alors que de façon concomitante, la redevance de licence avait cessé d'être proposée gratuitement. Résultat : le C.A. connaissait une croissance à deux chiffres d'un mois sur l'autre. Les conditions étaient désormais réunies pour démarrer des conversations d'une tout autre nature cette fois, celles entre management et actionnaires portant sur le bouclage d'un tour de table de 7 millions d'euros.
Commentaires