Combien de fois avez-vous entendu cette justification dans la bouche d'un commercial ? Et si ce n'est pas à cause du produit que l'affaire aura été perdue, ce sera sans doute alors en raison du prix, trop élevé. Il faut reconnaître à la décharge des vendeurs, que les clients usent et abusent de ce genre de justification commode ( "le produit n'était pas aussi bon que __" ou "on vous préférait, mais vous étiez trop cher" ). Ils le font souvent dans le souci de ne pas blesser leur interlocuteur. En effet, que pensez-vous qu'il arriverait si les clients se mettaient à dire des choses comme : "nous vous avons écarté, car votre démarche commerciale était indigente / inconséquente" ou bien "vous ne vous êtes jamais intéressé à nos enjeux. Vous vous êtes contenté de nous parler de technique. Comment voulez-vous que nous vous choisissions ?"
Mais revenons à la fameuse justification visant à incriminer la faiblesse relative du produit. J'aimerais à ce sujet partager avec vous un récit que m'a rapporté Jim, un collègue américain. Jim est un passionné d'aviation. Il pilote lui-même un petit avion, avec lequel il aime survoler les Rocheuses ou les parcs nationaux de Californie, où il vit.
Il m'a parlé de deux pilotes d'exception qui se sont illustrés durant la bataille du Pacifique entre 1941 et 1945. Le premier est japonais. Il se nomme Saburo Sakai. A bord de son Zéro, sur la durée du conflit, il aura engrangé un total de 64 victoires dont un grand nombre face aux P-38 de l'US Air Force. Le deuxième pilote évoqué par Jim, est américain, lui. Il s'agit de Bong, Richard Bong. Servant sur le même théâtre d'opérations mais à bord d'un P-38, il aura totalisé 40 victoires à la fin de la guerre, pratiquement toutes acquises au détriment de pilotes de Zéros.
Alors qu'est-ce qui fait que Sakai gagnait la plupart de ses duels contre des P-38 et que Bong faisait de même face à des Zéros. En réalité, cela tient au fait que l'un et l'autre avaient mis au point des tactiques de combat permettant de prendre l'ascendant de façon quasi-systématique sur leur adversaire.
La tactique de Saburo Sakai consistait à inciter l'adversaire au combat rapproché (dogfighting), domaine dans lequel la maniabilité supérieure du Zéro permettait de disposer d'un avantage souvent décisif.
Quant à Richard Bong, son plan consistait à naviguer à haute altitude. Dès qu'il apercevait un avion japonais en contre-bas, il fondait en piqué sur sa proie à pleine vitesse pour le prendre par surprise. Si, malgré la puissance de feu exceptionnelle du P-38, le Zéro en réchappait, Bong ne cherchait pas à prolonger le combat en mode rapproché. Il se savait en infériorité dans cette configuration. Non. Il profitait de la vitesse nominale supérieure de son appareil pour jouer la fille de l'air et se mettre le plus vite possible à l'abri de la ligne de mire de son adversaire.
A bord de son Zéro, Saburo Sakai gagnait systématiquement face aux P-38. A bord de son P-38, Richard Bong gagnait systématiquement face aux Zéros. Alors, bien malin celui qui me dira quel appareil entre le Zéro et le P-38 était le meilleur. En revanche, une chose est sûre. Tant Sakai que Bong avaient mis au point des tactiques permettant de se présenter au combat dans des configurations leur donnant un avantage décisif sur l'adversaire.
Alors, où se niche la différenciation ? Dans le produit, dans la technologie ? Certainement pas. La différenciation vient de l'intelligence conceptuelle du pilote qui a su imaginer les situations mettant en valeur les attributs de son appareil et son adresse pratique -sa virtuosité- pour attirer l'adversaire dans la nasse qu'il avait préparée à son attention.
Et si c'était la même chose dans la vente ?
Commentaires