Que représente pour vous ce dessin ? Voyez-vous comme moi un cube en perspective cavalière plongeant vers le bas à droite ? Ou au contraire un cube toujours mais pointant vers le haut à gauche ? En réalité, il s'agit d'une illusion optique inventée par un cristallographe suisse, Louis Albert Necker pour illustrer notre difficulté à gérer avec douceur les ambiguïtés. En effet, s'il nous est donné de visualiser parfaitement l'une ou l'autre des représentations évoquées ci-dessus, il nous extrêmement malaisé de passer de l'une à l'autre.
Les communautés offrent le même type d'abiguïté. Conçues à la base pour satisfaire notre besoin d'échapper à la solitude en partageant avec autrui, elles sont aussi l'espace dans lequel nous entendons affirmer notre individualité. Elles renferment en elles-même cet étrange paradoxe d'être à la fois un cadre où l'individu se fond dans un collectif et un espace d'affirmation de soi.
Comble de malheur : ces deux pulsions contraires sont sans doute encore plus affirmées chez les commerciaux que chez n'importe quelle autre population. Un de mes collègues me faisait remarquer récemment que si les commerciaux aimaient s'attribuer personnellement la réussite d'une affaire ("Laissez-moi vous dire comment J'ai gagné"), ils étaient tout aussi prompts, en cas d'échec, à en diluer la responsabilité sur le groupe ("Laissez-moi vous dire pourquoi NOUS avons perdu").
Dans un billet consacré à ce thème, Bertrand Duperrin avance : "Je ne pense pas qu’on puisse bâtir une communauté" ou encore "on ne peut décréter sa création". Car il est essentiel de comprendre que la communauté se construit dans le temps et justement à travers la gestion dialectique des contradictions entre affirmation et dilution de soi.
Dans l'article précédent, j'évoquais un certain nombre de règles de fonctionnement pour favoriser l'émergence et le maintien d'un climat de confiance propice au partage au sein de la communauté. Cette fois-ci, je souhaite aborder deux conditions clés à prendre en compte dès la phase de démarrage de la communauté, afin d'en accélérer l'émergence effective, à travers l'observation de mécanismes avérés de partage traduisant l'existence d'un véritable climat de confiance.
Première condition : l'alignement autour d'un objectif métier.
Au-delà de toute forme d'irénisme, une communauté ne marche que si elle se conçoit à la base comme une communauté d'intérêt. A l'origine de toute décision de création de communauté, il doit y avoir la reconnaissance & l'explicitation d'un objectif précis et de préférence quantifiable. Dans le domaine commercial, il peut s'agir par exemple d'un enjeu de diminution du temps de réponse à des appels d'offre ou d'augmentation du taux de réussite ou hit ratio. Dans tous les cas de figure, nous nous trouvons renvoyés à un défi "business" d'augmentation du chiffre d'affaires ou de la marge. Tant le collectif pris comme un tout, que chaque membre pris individuellement portent cet objectif. Le désir de l'atteindre est partagé par tous. Nous sommes bien devant une communauté d'intérêt.
Deuxième condition : transformer les membres le plus actifs en héros.
C'est là tout le paradoxe évoqué plus haut. Il est indispensable de stimuler l'idée d'émulation à travers la valorisation de l'individu. Il y a 5-6 ans, alors que j'avais la responsabilité de mise en place d'un nouveau processus de vente chez un éditeur de logiciel et ce à l'échelle européenne, j'avais imaginé un système très simple de jeu-concours à périodicité mensuelle visant à promouvoir la meilleure application sur le terrain dudit processus ou de la méthodologie sous-jacente. La personne récompensée était ensuite mise sur un pied d'estale : elle faisait la une sur l'intranet monde de la société pendant une semaine avec photo, article et tout le toutim. Vous ne pouvez pas imaginer l'effet d'entraînement provoqué. A peine avais-je introduit le concours que les récits d'applications réussies se mirent à pleuvoir. Non pas que leur nombre ait subitement augmenté. Mais il y avait désormais une motivation claire pour agir, un aiguillon pour partager. Résultat : en l'espace de quelques jours, la mayonnaise avait pris. La stimulation par l'orgueil et la mise sous les feux des projecteurs s'était révélée bien plus efficace que n'importe quelle incitation financière.
Sur ce dernier point, je ne saurais trop déconseiller la mise en place d'incitations purement financières. En effet, si l'élitisme et la méritocratie se marient bien avec l'idée de développement dans le temps d'une communauté, il n'en va pas de même de l'esprit mercenaire, qui agirait plutôt selon moi comme un poison aux effets insidieux. Naturellement, il ne s'agit là que d'une opinion personnelle construite au fil temps. Je serai ravi de la voir complétée, infirmée ou confirmée à l'aune de votre propre expérience.
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