Lors de mes échanges avec des directeurs généraux de sociétés de haute technologie, il m'a souvent été demandé ce que je pensais de tel ou tel logiciel d'automatisation de force de vente (SFA) ou de gestion de la relation client (CRM). Invariablement, je retournais la question de savoir qu'est-ce que mon interlocuteur attendait de cet effort d'automatisation. Cette interrogation ne manquait jamais de laisser mes interlocuteurs perplexes. " Mais pour disposer d'une meilleure visibilité sur les affaires en cours ", me répondaient-ils invariablement.
A ce stade de nos échanges, je leur soumettais le dilemme suivant. "Si vous aviez à choisir entre les deux technologies suivantes : l'une vous permettant de multiplier par 2 votre capacité à gérer les informations de suivi de votre portefeuille d'affaires en cours et l'autre vous offrant la possibilité d'améliorer de 20% seulement la qualité des conversations que vos commerciaux ont sur le terrain, quelle option retiendriez-vous ?" Là encore, il n'y avait pas la moindre hésitation. "La deuxième, cela va de soi", me répondaient-ils comme un seul homme. "Dans ce cas", ne manquais-je pas de remarquer, "il semble que vous ayez plus de valeur à retirer d'un travail sur les processus que de l'installation de tel ou tel système de SFA ou de CRM".
Le design (ou le re-engineering) d'un processus de vente a pour objet d'établir quelle est la séquence optimale de conversations à tenir, avec qui et sur quel thème. Le résultat attendu de cet effort est d'optimiser la performance commerciale, que ce soit à travers un raccourcissement des temps de cycle, une meilleure qualification ou disqualification des opportunités ou un accroissement de la taille moyenne des affaires signées. Dans un tout autre registre, une application de SFA a pour vocation d'automatiser la gestion des données caracérisant les affaires en cours. Le résultat attendu ici renvoie à une meilleure visibilité "macro", un meilleur contrôle. Performance d'un côté, contrôle et visibilité de l'autre : deux choses différentes. Or à ma connaissance, les goulets d'étranglement qui affectent la fonction commerciale à ce jour ont plus à voir avec la manière d'interagir en clientèle qu'avec un quelconque manque de visibilité ou une difficulté à gérer en quantité les données clients ou prospects.
Le constat peut paraître dur. Pourtant, connaissez-vous des commerciaux faisant l'apologie de la valeur qu'ils retirent du système de SFA qu'ils ont la charge d'alimenter ? Force est de reconnaître que le management est bien le seul bénéficiaire de ces applications, dans une optique de contrôle beaucoup plus que de recherche d'efficacité.
C'est de la façon dont vos vendeurs conversent et interagissent avec vos clients que dépend votre performance commerciale. L'information structurée décrivant le statut des affaires en cours n'est ni plus ni moins qu'un ingrédient utilisé par les uns et les autres dans le contexte de cette relation. Et là est le paradoxe : sauf à aider à gérer au plus près le flux des conversations tenues en clientèle, il est fort à parier que votre système d'information commercial (SFA, CRM) ne vous soit que d'une assistance marginale pour combler le déficit de compréhension sur ce qui se passe réellement en clientèle. Au risque d'apparaître iconoclaste, il faut bien reconnaître qu'excès d'informations & manque de connaissances ne sont pas du tout incompatibles.
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Dans la même veine :
- Erreur de design de processus de vente n°1 : la proposition
- Erreur de design de processus de vente n°2 : assimiler efficacité commerciale et niveau d'activité
- Erreur de design de processus de vente n°4 : ne s'intéresser qu'aux prospects en phase de recherche active de solution
- Erreur de design de processus de vente n°5 : disposer d'étapes déséquilibrées
- Erreur de design de processus de vente n°6 : demander au cornac d'organiser la parade des éléphants
- Erreur de design de processus de vente n°7 : mesurer à tort et à travers
- Erreur de design de processus de vente n°8 : vouloir évangéliser le marché
- Erreur de design de processus de vente n°9 : oublier le client
- Erreur de design de processus de vente n°10 : négliger l'adoption
- Erreur de design de processus de vente n°11 : mal nommer les étapes
- Erreur de design de processus de vente n°12 : faire de la signature l'étape ultime du processus
SFA n'est qu'un aspect du CRM qui n'est du reste qu'un outil. L'outil ne faisant pas le commercial, il convient (avant d'entamer une action de performance commerciale) de faire le travail des directeurs commerciaux opérationnels (race en voie d'extinction). Quel que soit le potentiel des commerciaux, il faut canaliser cette énergie afin d'optimiser le taux de transformation en dotant ses équipes de mécanismes de vente et stratégie de réponses.
Un module SFA permet une gestion informatique avec capitalisation et historisation des actions.
Il faut impérativement vendre aux vendeurs le ROI (€) afin de les faire adhérer au concept. La conduite de projets de CRM est trop rarement réalisée par un commercial terrain. Il faut voir là la raison d'une grande partie des échecs.
CQFD.
Rédigé par : Herschkorn | 29/03/2008 à 22:53
Je retiens de votre commentaire le manque d'association des vendeurs à des approches d'automatisation dont ils sont les principaux bailleurs d'informations.
En l'occurrence, pour "vendre la valeur" d'une solution d'automatisation à une population commerciale, encore faut-il qu'elle ait été pensée dans cette optique - c'est-à-dire avec l'idée qu'elle doit apporter des bénéfices à la force de vente. Or, ceci est rarement le cas, puisque, on l'a vu, la recherche de visibilité par le management tend à primer sur la recherche d'efficacité dans les conversations de vente avec les clients.
Il existe une bonne séquence à respecter pour concilier l'exigence managériale & la satisfaction des vendeurs :
1. Formaliser le "quoi" faire et le "qui" fait "quoi" et "quand" (processus)
2. S'entendre sur le "comment" faire (méthodologie)
3. Définir les standards de performance en conséquence, soit tomber d'accord sur le "combien" faire à quel horizon (objectifs)
4. Etablir les indicateurs de performance permettant d'anticiper les "trous d'air" et d'agir en conséquence quand il en est encore temps (pilotage)
5. Mettre en place les principes de rétro-action permettant d'apprendre de l'exécution au jour le jour sur le terrain (collecte & partage de bonnes pratiques)
6. Automatiser le tout.
L'automatisation ne vient qu'en fin de course. Or aujourd'hui, par je ne sais quel effet de "pensée magique" elle vient souvent en début de course, comme si elle "portait avec elle" tout le reste.
A suivre, donc.
Rédigé par : Jean-Marc Bellot à Herschkorn | 01/04/2008 à 08:07
Effectivement, la collecte d'informations permet de mesurer et contrôler, de faire de jolies statistiques qui viennent agréablement rassurer, ce qui donnent un côté attirant voir charmeur à ces logiciels pour les décideurs de l'acte d'achat. Je note aussi la necessité d'accompagner leur mise en oeuvre et bien sur de recourir à ces données lors de la prise de décision (visibilité).
En ce qui concerne processus et automatisation, je souhaite ajouter deux nuances qui sortent du contexte de la vente :
- Tout d'abord l'élaboration de logiciels pour les salles de marché qui au delà d'informer et d'orienter les décisions des traders, contrôlent et gèrent les autorisations, indispensable dans ce secteur.
- Et en second, l'automatisation des tâches de production et donc des procédés ou processus de production. Notamment au sein de bureaux d'études. Ce qui rend la barrière entre processus et automatisation plus floue.
(D'où mon intérêt pour votre post qui me redonne une bonne différenciation)
Ces logiciels ont aussi pour but d'automatiser certains traitements, mais leur finalité n'est pas la même que les SFA et CRM. Leur performance non plus.
Quelques conseils pour conclure mon post,il faut toujours savoir ce que fait l'ordinateur et avoir un esprit critique quant à son résultat.
Ces systèmes ne remplaceront jamais l'intelligence humaine mais correctement intégré vous permettront de gagner du temps. Allier les deux et si vous devez faire un choix, choississez l'intelligence humaine.
Rédigé par : Nicolas Lesueur | 02/11/2008 à 21:41
Merci pour ce tuto. Je vais le rajouter à mon dossier de formation.
Redon Climatisation
Rédigé par : redon climatisation | 23/04/2012 à 10:32