Au long de ma vie professionelle, j'ai souvent entendu des dirigeants avisés affirmer avec une fière assurance : "de toutes façons, il n'y a que le plan de commissionnement pour faire courir mes vendeurs. Le reste c'est du bla bla".
Le principe de base est très simple en effet. Si vous voulez que vos commerciaux fassent ce que vous attendez d'eux, il suffit de mettre en place les récompenses (ou incentives, pour parler dans cet abominable jargon franglais qui envahit toutes nos correspondances désormais) qui vont bien. Plus tu fais ce pour quoi je te paye, plus je te paye.
Simple et logique non ?
En apparence, cela tombe sous le sens. Et pourtant, les travaux récents et moins récents des spécialistes en sciences sociales de tout poil montrent que, dans le monde de la vente complexe, nous réagissons assez mal à ce genre de motivations. Voire, à en croire Dan Pink dans l'excellente présentation ci-dessous, nous réagirions même souvent de façon opposée.
Etonnant non ?
La thèse de Dan Pink est sans appel. Elle peut se formuler en quelques points clés :
1. En matière de motivation, il y a une déconnexion profonde entre ce que révèle la science et nos pratiques usuelles en entreprise ;
2. Tant que les objectifs commerciaux peuvent être atteints à travers la répétition "mécanique" de tâches élémentaires, le système traditionnel de motivation par l'argent fonctionne conformément aux attentes : plus le système de commissionnement est attractif, plus haute sera la performance du vendeur ;
3. En revanche, lorsque l'atteinte des objectifs commerciaux passe par la sollicitation de facultés cognitives ne serait-ce que rudimentaires, alors le système traditionnel de motivation par l'argent fonctionne à rebours du principe ayant prévalu à son élaboration : plus le système de commissionnement est attractif, moins bonne sera la performance du vendeur ;
4. Par suite, le modèle de la carotte et du bâton marche bien dans la vente simple, c'est-à-dire quand la geste commerciale se résume à la répétition d'actes de prise de commandes semblables deux à deux. Il est inadapté, voire contre-productif, dans la vente complexe, à savoir lorsque, pour mener à bien sa mission, le commercial doit faire appel à des facultés de résolution de problème nécessitant créativité, esprit critique et autonomie de jugement ;
5. Dans la plupart des organisations, la définition des plans de motivation des salariés (incluant le sacro-saint plan de commissionnement des commerciaux) ou des politiques de rétention des talents s'appuie sur des hypothèses de travail complètement erronées du point de vue des sciences sociales ;
6. Pour aborder avec un regard neuf le monde du travail du XXIè sicèle, il importe de sortir du "folklore" des plans de commissionnement traditionnels reposant sur des facteurs de motivation externes comme l'argent et privilégier au contraire les ressorts dits internes de motivation comme l'autonomie, la compétence et le sens ;
7. La quête d'autonomie (la sentiment d'être maître de sa destinée), le développement de compétence (le désir de devenir toujours meilleur dans une discipline qui ait du sens) et la recherche de sens (la soif de faire ce que nous faisons en réponse à une finalité qui nous dépasse) sont les trois piliers sur lesquels les organisations doivent bâtir les systèmes de motivation de demain.
Un sujet en vogue. McKinsey vient de sortir quelque chose sur le sujet d'ailleurs.
http://www.mckinseyquarterly.com/Organization/Talent/Motivating_people_Getting_beyond_money_2460
Rédigé par : Bertrand Duperrin | 06/11/2009 à 17:25
En effet.
S'agit-il d'une sortie de paradigme ou simplement d'une baisse des budgets "incentives" ?
Rédigé par : Jean-Marc à Bertrand | 26/11/2009 à 17:03