Quand j'ai commencé dans la vente, mes managers me répétaient régulièrement que pour avoir des chances d'atteindre mon objectif de chiffre d'affaires, je devais avoir au moins 3 fois (3x) ce montant dans mon carnet d'affaires en cours (AEC). Certains responsables n'hésitaient pas à me dire 5 fois !
La réalité, c'est que je n'ai jamais eu 3 fois mon objectif en AEC ou en pipeline pour reprendre un terme de jargon communément utilisé au moins dans le monde des technologies . Pourtant, je réalisais voire dépassais mon objectif régulièrement. Quelque chose ne tournait donc pas rond.
Qu'est-ce qui n'allait pas ? Il est bien connu que toutes les affaires en carnet ne se soldent pas par une issue favorable. Certaines sont remportées par la concurrence, d'autres (plus nombreuses) se soldent par la décision du client de ne rien faire. Il est donc sain de considérer que le pipeline soit plus gros que l'objectif, non ?
Pas si sûr. Car à bien réfléchir, qu'est-ce qu'un carnet d'affaires en cours. C'est un "stock" d'opportunités mobilisant des ressources rares & chères (notamment les commerciaux) pour être converties dans le meilleur des cas en chiffre d'affaires.
Or, que nous enseignent les gourous sur les bonnes pratiques en matière de gestion de stocks ? Tout simplement que ce sont des facteurs d'immobilisation des ressources, de gel du capital, bref, que moins on en a, mieux on se porte. Certains jusqu'auboutistes du domaine sont même allés jusqu'à vanter les mérites du "stock 0", c'est-à-dire de l'organisation qui ne produirait que sur commande.
Nous voilà donc bien en présence d'une contradiction apparente. D'un côté, nous avons des managers commerciaux soucieux de voir leurs vendeurs disposer de pipelines gras comme des outres. Ils ne jurent que par le volume. De l'autre, nous avons des spécialistes de la gestion (souvent relayés par des directeurs financiers ou des actionnaires sourcilleux), désireux de voir des pipelines fluides, où les affaires se signent après être restées le moins longtemps possible dans cette antichambre de la performance commerciale qu'est le pipeline. Ils veulent de la fluidité.
Alors comment concilier ces deux visions en apparente opposition ? Simplement en intégrant une dimension évidente et pourtant souvent mal comprise : le temps.
Supposons par exemple que l'objectif annuel par commercial se monte à 1,2 million d'euros. Admettons que le taux de conversion moyen d'une affaire en pipeline soit de 25% (en moyenne, sur 4 affaires en carnet, 1 se signe favorablement). Les tenants de l'approche volume vous diront qu'il faut un coefficient de 4x entre la taille du carnet d'affaires en cours et l'objectif à atteindre, soit 4,8 millions d'euros par commercial. Alors, vrai ou faux ?
Ni l'un, ni l'autre. Juste incomplet. Il importe à ce stade de prendre en compte la dimension temporelle et savoir quelle est la durée moyenne de séjour d'une opportunité en carnet. Pour reprendre un vocable couramment utilisé dans le monde industriel, appelons cette durée le temps de cycle. A toutes fins utiles, supposons que ce temps de cycle soit de 30 jours ou 1 mois. Cela signifie que le pipeline tournera 12 fois par an. Par suite, la quantité de pipeline optimale par commercial (celle qui permet d'envisager sereinement l'atteinte de l'objectif de chiffre d'affaires, sans imposer une surcharge d'activités) est de 4,8 millions divisés par 12, soit 400 k€, ou encore 33% de l'objectif annuel.
De façon générale, la formule de détermination du pipeline idéal est donnée par l'équation suivante :
Et vous, quel est la valeur idéale de votre pipeline ?
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Notes associées :
Hello JM
Ton article est pertinent comme d'hab. Par contre je pense qu'il y a un bug dans la formule, de mon côté je diviserais par le taux de conversion moyen. Je pense à un commercial qui a un obj de 1 M avec 30% de taux et 12 mois de cycle, il doit avoir 3 M en pipe et non 0,3.
La bise
gh
Rédigé par : Gilles H | 30/04/2010 à 07:57
Hello Gilles,
Après avoir lu ton commentaire, il s'avère que nous avons tous les deux... tort :
1. Dans le cas que tu évoques, un commercial disposant d'un objectif annuel de 1M, d'un taux de conversion moyen de 30% et d'un temps de cycle moyen de 1 an doit avoir à tout moment 1 million divisé par 30%, soit 3,33 millions en pipeline (et non 3 millions).
2. De mon côté, j'avais fait une erreur dans la formule. La formule exacte de détermination de la valeur idéale du pipeline à tout moment est : (OBJECTIF ANNUEL) divisé par le produit (NB DE FOIS OU LE PIPELINE TOURNE CHAQUE ANNEE x TAUX DE CONVERSION MOYEN).
Merci de m'avoir alerté sur ma bourde.
Au moment où tu liras ma réponse à ton commentaire, je pense qu'elle aura été dûment corrigée.
Bien à toi & à très bientôt
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc à Gilles H. | 30/04/2010 à 14:31