Dans ma note précédente, j'ai proposé une formule pour évaluer quel doit être le volume idéal de mon carnet d'affaires en cours (ou pipeline) en prenant en compte trois variables :
- L'objectif annuel exprimé en valeur,
- Le temps de cycle exprimé en nombre de mois,
- Le taux de conversion moyen d'une affaire en carnet, exprimé en pourcentage.
Mais voilà. Les choses sont rarement aussi simples. Les processus de vente se décomposent en général sur plusieurs jalons, chacun assorti d'une durée moyenne et d'un taux de conversion qui lui sont propres.
Le propos, aujourd'hui,consiste donc à voir comment évaluer la valeur idéale de mon carnet d'affaires en cours dans le cas de figure où mon processus de vente comporte plusieurs jalons.
Prenons un exemple fictif. Supposons que j'aie un objectif annuel de production de chiffre d'affaires de 1,2 million et que mon processus de vente s'articule autour des trois étapes suivantes :
- Phase initiale, durée moyenne de deux mois, taux de conversion à l'étape = 20% (étape 1)
- Phase intermédiaire, durée moyenne de trois mois, taux de conversion à l'étape = 60% (étape 2)
- Phase finale, durée moyenne de un mois, taux de conversion à l'étape = 80% (étape 3)
Pour calculer la valeur idéale de mon carnet d'affaires en cours, je vais cette fois raisonner étape par étape. Le raisonnement s'établit comme suit. Prenons l'étape 3 pour commencer.
(a) Quelle est la durée de l'étape considérée ? - 1 mois
(b) Combien de chiffre d'affaires dois-je générer sur cette durée ? - 1,2 million divisé par 12, soit 100k
(c) Compte tenu du taux de conversion moyen à cette étape, combien dois-je avoir à tout moment à cette étape du processus de vente pour être dans les clous sur la génération du chiffre calculé en (b) ? - 100k divisé par 80%, soit 125k
En appliquant le même raisonnement sur les étapes 1 & 2, je trouve que les montants que je dois avoir sur ces jalons sont respectivement de 500k et de 1 million.
La formule générale est la suivante :
Avez-vous fait l'exercice d'appliquer cette formule à votre propre pipeline ? Qu'est-ce que cela donne ? Y a-t-il une différence significative entre le résultat obtenu et les directives données au sein de votre entreprise sur ce à quoi doit ressembler un "bon" carnet d'affaires en cours ?
Si oui, n'hésitez pas à me contacter où à vous manifester à travers un commentaire. J'aurai plaisir à aborder avec vous les implications que cela peut avoir en termes d'exercice du management de la force de vente et/ou d'établissement des prévisions de vente. Ces derniers points feront du reste l'objet de notes dédiées.
Alors, comme disent nos amis Américains, stay tuned!
Jean-Marc,
Très bon article, comme d'habitude.
Ces formules sont très intéressantes, lorsque l'on dispose d'un important historique, pour calculer les composantes. On parle bien de valeurs moyennes (temps moyen pour passer de phase 1 à phase 2, taux de conversion moyen) ?
Je suis toujours méfiant vis-à-vis des statistiques. Il suffit d'un gros deal perdu (ou gagné) pour que les belles formules volent en éclats.
Que pensez-vous d'un calcul au niveau de chaque affaire, ou le commercial évalue les chances de conversion et le délai prévisionnel de passage à la prochaine étape du cycle de vente ? Votre formule peut alors s'exprimer en somme des valeurs pondérées, pour mesurer la contribution de chaque affaire à la projection du chiffre d'affaire. C'est un peu plus compliqué, mais un peu plus juste, surtout lorsque les montants des affaires sont très différents les uns des autres.
Cordialement,
Stéphane
Rédigé par : Stephane Monsallier | 12/05/2010 à 00:10
Bonjour Stéphane,
Merci pour votre intérêt dans les thèmes publiés ici et pour votre commentaire.
Votre propos est tout à fait pertinent. Oui, les formules développées dans le billet nécessitent un premier niveau de perception d'indicateurs clés comme la valeur moyenne d'une affaire, le temps de cycle moyen, les taux de conversion moyens en fonction du jalon de l'affaire dans le carnet, ainsi que sa durée relative au jalon. Idéalement, il conviendrait de disposer d'un historique pour mettre étalonner les indicateurs.
Pourtant, comme vous, je me méfie des statistiques. Et c'est justement parce que j'entretiens un rapport distant avec les statistiques que j'aborde la question selon une séquence très empirique, dont voici les étapes clés :
1. Plutôt que de partir de l'historique (en général absent ou lacunaire au sein des organisations avec lesquelles j'ai été amené à travailler), j'interroge le management sur ce qu'ils estiment être l'affaire idéale. J'exploite là le principe de désir.
2. Je demande ensuite au management de rechercher dans les affaires signées au cours des 12 derniers mois, celle qui ressemble le mieux à l'affaire idéale. Je veille à ce stade à ce que nous adhérions à la réalité du terrain pour ne pas verser dans l'exercice de style.
3. Je demande au management de me décrire cette affaire. J'en infére un certain nombre de valeurs numériques comme la taille ou la durée. Mais surtout, j'en déduis une liste de comportements d'achats & de vente importants, servant à la décomposition du cycle d'achat en jalons clés.
4. Je fais part à mes interlocuteurs des écarts & similitudes existant entre leur description de l'affaire idéale et ce que révèlent les travaux de recherche réalisés dans le domaine de la psychologie accompagnant les décisions d'achat en environnement B2B.
5. Après délibération, le management et moi transigeons sur ce que j'appelle la "configuration de départ" du processus de vente. Cette "configuration de départ" décrit les étapes clés du processus de vente (jalons), les points de contrôle permettant de valider le passage d'un jalon à l'autre, la nature des conversations à tenir pour aider le client à passer au jalon supérieur, le standard de compétence requis de la part du commercial pour faire ce travail. C'est aussi à ce moment que sont discutés les durées moyennes au jalon en fonction de la somme d'activités à réaliser, la taille moyenne d'opportunité et les taux de chute (ou de conversion) d'un jalon à l'autre.
6. Je demande au management de valider la configuration de départ comme le point d'ancrage sur lequel développer les compétences collectives de l'organisation
7. Une fois validée la configuration de départ, une fois les équipes formées à ce qui est attendu d'elles, le management dispose d'un premier niveau d'infrastructure - processus rendant possible l'analyse de performance.
8. C'est à partir de ce stade qu'il est possible de constater les mérites ou difficultés des commerciaux dans la conduite des affaires en cours. L'analyse du pipeline de chaque commercial par rapport aux standards de la configuration de départ met en évidence des écarts aux jalons, eux-même révélateurs d'un certain niveau d'expertise par rapport aux compétences de vente.
Pour revenir à votre approche, je la comprends bien dans un contexte où votre objectif consiste à déduire un volume de vente prévisionnel (forecast) à partir de l'analyse du pipeline et où le nombre de commerciaux n'est pas trop important.
Pourtant, je ne la recommande pas. En effet, s'il y a quelque chose dont je me méfie encore plus que des statistisques, c'est bien de la capacité d'un commercial à se prononcer sur une prévision de vente. A chaque fois que j'ai vu le management demander aux vendeurs d'énoncer des prévisions de vente (forecast), puis de les tenir (commit), j'ai été témoin de catastrophes.
C'est la raison pour laquelle je préconise résolument la mise en place d'un système de prévision indépendant de l'avis des commerciaux. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point dans un billet à venir.
Bien à vous
Jean-Marc
Rédigé par : Jean-Marc à Stéphane Monsallier | 18/05/2010 à 14:06