Il y a quelques jours, je déjeunais avec mon ami Jérôme. Lui et moi avons abordé la question des impacts du Software-as-a-Service (''SaaS") et du "Cloud Computing". Notre première réaction fut de déplorer, qu'une de fois de plus, le débat soit placé majoritairement sous l'angle technologique et bien peu sur celui des bénéfices clients.
Pourtant, une fois n'est pas coutume, nous sommes en présence d'une révolution technologique dont les impacts pour le client final sont relativement faciles à formuler. S'il fallait résumer les choses en une seule phrase, il suffirait de dire qu'avec le "SaaS" et/ou le "Cloud Computing", au lieu de devoir installer chez eux les applications après en avoir acquis les droits d'utilisation, les clients souscrivent désormais à un service leur donnant droit d'accéder à l'application sans avoir à se soucier le moins du monde de l'endroit où elle est gérée physiquement. C'est un peu comme si, pour reprendre la métaphore de l'électricité, au lieu d'un modèle consistant à s'équiper d'une centrale leur fournissant l'énergie, les clients se contentaient d'appeler le fournisseur de l'application, de lui demander une ouverture de ligne, d'accéder à l'application par le simple truchement de leur navigateur web et d'être facturés en proportion de la consommation effective de l'application en question.
Mine de rien, ce simple changement à des implications majeures pour l'industrie.
Côté client, cela se traduit par un bénéfice immédiat. Avant, dans l'ancien paradigme où il fallait installer les applications chez soi, un processus de décision d'achat s'articulait autour de cinq phases d'importance à peu près égales :
Du fait de la nécessité d'installer les applications chez soi, il pouvait s'écouler des mois voire des années entre le moment de la décision et celui de l'utilisation effective. Le client payait d'abord, souvent sous la forme d'une licence perpétuelle le droit d'utiliser la technologie, mais n'en constatait les premiers bénéfices que bien après. Pour les clients, l'équation était donc : "je paye d'abord le droit d'accéder à la technologie. Je paye ensuite des coûts d'installation. Ce n'est qu'à ce moment que mon organisation peut commencer à tirer parti de l'investissement consenti".
Avec le "SaaS" et/ou le "Cloud Computing", la logique est tout simplement inversée. L'équation pour le client est désormais la suivante : "je paye un minimum au démarrage pour activer l'accès au service. Comme je n'ai rien à installer, je tire immédiatement parti du service, puis je paye à l'utilisation effective de ce dernier".
C'est tout profit pour le client. Comme il n'y a pas d'installation, la durée nécessaire à l'obtention des premiers bénéfices est réduite d'autant. Et comme la facturation est fonction de l'utilisation, il n'y a pas lieu d'immobiliser au démarrage des dépenses de capital (CAPEX) conséquentes. Voire. En SaaS/Cloud, il n'y a plus à investir du tout, puisque la souscription au service s'apparente le plus souvent à une dépense d'exploitation (OPEX) pure et simple.
La situation est donc magnifique à première vue. Le client est le principal bénéficiaire de ce changement. Par suite, les offreurs de solutions SaaS/Cloud devraient se régaler, non ? Et bien, ce n'est pas aussi simple que cela. Car, je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais c'est à un véritable transfert de risque que nous assistons, puisque désormais, c'est au fournisseur de supporter le coût de mise en oeuvre de l'infrastructure. Mais c'est encore pire que cela ! Avant, les offreurs et notamment les éditeurs de logiciels pouvaient facturer d'entrée de jeu des sommes coquettes correspondant à des licences perpétuelles d'utilisation couvrant parfois des milliers de personnes. Désormais, la seule chose qu'ils peuvent facturer au début, c'est une souscription terme à échoir (en général un an) pour l'accès au service par un nombre relativement limité d'individus correspondant aux premiers utilisateurs pilotes. Avant, une fois l'application installée chez le client, il n'y avait pas d'autres possibilité que celle de l'utiliser, ne serait qu'au regard des sommes investies à l'origine. Résultat : il n'était pas rare d'observer des départements entiers d'utilisateurs aigris condamnés à se dépatouiller bon an mal an avec des applications représentant parfois de véritables régressions fonctionnelles. Désormais, si l'application ne rencontre pas la faveur des utilisateurs, qu'à cela ne tienne, il suffit de dénoncer le contrat et le service est rompu aussi simplement qu'il a été activé.
Le tableau ci-dessous dresse une courte synthèse des modifications occasionnées par le passage au "SaaS" / "Cloud computing" du point de vue des fournisseurs d'offres :
De par son importance, le transfert du risque économique vers les éditeurs entraîne donc une nécessaire refonte des modèles d'activité et des processus de vente. Car si la psychologie accompagnant le comportement d'achat des clients constitue un invariant absolu, les éditeurs n'ont plus désormais le luxe de se payer des commerciaux à prix d'or dans l'espoir qu'ils ramènent à chaque fin de trimestre les contrats à 7 chiffres permettant d'atteindre les objectifs.
Une nouvelle discipline se fait jour où la discipline d'exécution autour des processus métier devient une condition indispensable de réussite, voire de survie !
J'y reviendrai prochainement, c'est certain. Mais d'ici là, j'aurai plaisir à lire vos commentaires sur ce sujet.
A bientôt, donc.
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PS - Si vous comprenez l'anglais, je vous invite à visionner cette petite vidéo de vulgarisation sur le cloud computing. C'est bien fait, très didactique et c'est ici.
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